vendredi 22 novembre 2024 10:08

L'Etat français définitivement condamné pour des contrôles "au faciès"

La Cour de cassation a condamné définitivement l'Etat mercredi des contrôles d'identité "au faciès" en rejetant le pourvoi formé contre sa condamnation pour faute lourde en juin 2015 par la cour d'appel de Paris.

"Un contrôle d'identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire: il s'agit d'une faute lourde qui engage la responsabilité de l'Etat", écrit la juridiction dans un communiqué.

La cour d'appel avait condamné les pouvoirs publics pour cinq cas de discrimination.

SOS Racisme a salué "une victoire historique", en regrettant que l'Etat ait déposé lors des débats devant la Cour de cassation un mémorandum tendant à induire que "les contrôles d'identité peuvent s'opérer sur la seule base de l'apparence physique des personnes."

"Depuis plus de 10 ans, SOS Racisme demande aux pouvoirs publics de mettre en place au plus vite le ticket de contrôle afin d'encadrer les contrôles d'identité et lutter ainsi contre une pratique discriminatoire connue de tous et source de tensions", rappelle l'association dans un communiqué.

Pour une dizaine d'associations, dont la Ligue des droits de l'Homme et le Syndicat des avocats de France, "cet arrêt est un signe fort en direction du gouvernement et du législateur, qui se sont jusqu'ici refusés à modifier les règles du contrôle d'identité, même à l'occasion de la très mal nommée loi Egalité et citoyenneté". "CHARGE DE LA PREUVE"

L'affaire avait débuté il y a trois ans par la plainte de 13 hommes d'origine africaine ou nord-africaine visant les pouvoirs publics.

Ils estimaient avoir été victimes de contrôles abusifs, parfois associés à des palpations, des insultes ou du tutoiement, en raison de leur couleur de peau ou de leur origine.

Après avoir perdu en première instance, les plaignants ont fait appel, soutenus cette fois par le Défenseur des droits Jacques Toubon.

En juin 2015, la cour d'appel de Paris a donné raison à cinq d'entre eux et condamné l'Etat à verser 1.500 euros de dommages et intérêts à chacun.

Les décisions de la cour d'appel n'avaient cependant satisfait aucune des parties. L'Etat s'était pourvu en cassation pour les cinq cas dans lesquels il avait été condamné et les huit autres hommes qui n'avaient pas obtenu gain de cause en avaient fait autant.

Le 4 octobre, la Cour de cassation avait statué sur l'affaire en examinant si, lors des décisions en appel, les règles avaient été correctement appliquées, en particulier la charge de la preuve.

Les personnes dont l'identité est contrôlée ont désormais uniquement besoin d'apporter des éléments qui laissent présumer l'existence d'une discrimination et il appartient ensuite à l'Etat de démontrer que le contrôle n'était pas discriminatoire.

"Tant que les autorités françaises n'introduiront pas un enregistrement des contrôles, comme le permettent les récépissés de contrôle, cette obligation de preuve sera difficile à satisfaire", soulignent les associations de lutte contre les discriminations.

9 nov 2016 (Gérard Bon, édité par Sophie Louet)

Source : Reuters

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