vendredi 22 novembre 2024 04:33

France: à Mantes-la-Ville, le glissement sans fard vers l'extrême droite

Elle a voté pour la gauche radicale en 2012, est "embêtée par le racisme" du parti d'extrême droite Front national, mais réfléchit sérieusement à voter pour sa candidate Marine Le Pen à la présidentielle française dans cinq mois.

Émilie Fougerolles, une vendeuse de 34 ans, habite à Mantes-la-Ville, une des 10 villes conquises par le Front national lors des élections municipales de 2014.

Dans cette ville-dortoir de 20.000 habitants, à une cinquantaine de kilomètres de Paris, seuls 30% des électeurs avaient voté pour l'extrême droite, qui l'avait emporté au second tour face à des opposants divisés en trois listes.

Depuis "rien n'a changé au quotidien", assure Emilie Fougerolles, qui se hâte pour faire ses courses dans le centre peu animé de la ville.

La gestion sans vague du maire Cyril Nauth, un professeur de 35 ans, a fait sauter certaines appréhensions. Les attentats jihadistes qui ont ensanglanté la France à multiples reprises depuis janvier 2015, faisant 238 morts, ont accentué le basculement.

"On vit dans la peur permanente", confie cette mère de quatre filles, particulièrement affectée par l'assassinat en juin d'un policier et de sa compagne par un jihadiste, sur la commune voisine de Magnanville. "Ma fille était à deux cents mètres..."

Alors, elle s'est intéressée aux propositions de Marine Le Pen. "Sur le terrorisme, elle a de bonnes idées", avance-t-elle. "Elle s'appellerait pas Le Pen, je voterai sans aucune doute pour elle."

La benjamine de Jean-Marie Le Pen, président du FN pendant près de 40 ans, lui a succédé en 2011. Depuis, cette ancienne avocate de 48 ans s'est tenue à l'écart des saillies racistes et antisémites de son père, sans remettre en cause le fond de son discours (contre l'immigration, l'islam, l'insécurité, l'Union européenne...).

Cette stratégie dite de "dédiabolisation" lui a permis une percée dans les urnes: avec 28% des voix, le FN est arrivé en tête au premier tour des élections régionales de 2015. Et, face à une gauche divisée, les sondages prédisent tous que Marine Le Pen sera au second tour de la présidentielle de 2017.

Ils la donnent perdante en finale, faute de réserves de voix. Mais depuis l'élection surprise du républicain Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, Marine Le Pen se voit à l'Elysée.

"Il y a un discours de ras-le-bol mais les Français ne sont pas prêts à tout changer", pronostique Franck Party, 49 ans, qui gère un supermarché dans cette ville de pavillons et de petits immeubles, un peu plus pauvre que la moyenne nationale.

Lui "n'aurait jamais voté pour Jean-Marie Le Pen, qui est trop dans l'excès", mais glisse des bulletins FN dans les urnes depuis que sa fille est aux commandes. "Je me retrouve dans son discours sur la défense de l'identité de la France, explique-t-il en dénonçant "une immigration de masse" et "la dictature de Bruxelles".

Comme lui, plusieurs personnes croisées à Mantes-la-Ville assument franchement voter pour le FN par rejet des "immigrés".

"Moi je me cache pas", lance Alain Baudouin, un ancien ouvrier automobile de 56 ans, en préretraite, en pestant contre "ces immigrés qui ont tout..." "Vive le FN", renchérit Frédéric, un ancien maçon qui dit avoir été "licencié à cause des travailleurs turcs et polonais..."

Patricia, une employée de mairie de 58 ans, "ne regrette pas d'avoir voté FN" en 2014 et le refera en 2017. Pour elle non plus, il n'y a pas eu de grand changement - "Peut-être que les rues sont plus propres ?" - mais l'essentiel est ailleurs: "il faut redresser la France!".

Le nouveau maire Cyril Nauth n'a pas réussi à préempter un local destiné à devenir une mosquée, et s'est, selon les observateurs, surtout contenté de réduire les subventions de plusieurs associations. "Il a été muselé", le défend Franck Party.

Traînant son caddy, une septuagénaire avoue, sous couvert d'anonymat, avoir voté pour lui par "ras-le-bol de l'assistanat et des immigrés". Mais à la présidentielle, elle choisira le candidat de la droite François Fillon. "C'est quand même pas pareil de conduire un pays..."

30/11/2016

Source : AFP

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