Peur, xénophobie, exclusion ou bien radicalisation, voilà des mots ou des thèmes récurrents dans notre société. Comment parler de ces sujets, lourd en préjugés, qui ont une portée sur nos politiques, sans tomber dans l’excès ? Peut-être par le théâtre. Il détruit une barrière à la fois, tout en dépeignant une dure vérité.
La pièce de théâtre Djihad fait salle comble partout où elle est présentée. Créée en Belgique il y a deux ans par l’auteur et acteur Ismaël Saïdi, elle raconte l’histoire de trois jeunes hommes qui partent faire le djihad en Syrie. « Pendant l’Odyssée, on comprend les raisons qui ont mené chacun à se marginaliser ou se radicaliser », explique l’auteur.
Ismaël Saïdi connaît bien le sujet. Fils d’immigré marocain, il a grandi dans une Belgique qui fait face, comme ailleurs en Europe, à des défis d’intégration de ses immigrants, mais aussi à des attentats perpétrés par des jeunes qui se sont « radicalisés ».
Contre le galvaudage des mots
Radicalisation ? Ismaël Saïdi ne mâche pas ses mots. « Pour moi, le mot radicalisation est galvaudé, c’est un concept politique vide, croit-il. On ne nomme pas les choses. On ne nomme pas la religion non plus. On parle de radicalisation, on englobe tout dedans, on n’ose pas pointer du doigt. »
«Dans mon pays, les gens qui ont commis des attentats l’ont commis au nom de ma religion à moi, l’islam. Donc à un moment donné, il va falloir pointer ça et dire qu’il y a un problème avec la manière dont l’islam est inculqué et qu’au sein de l’islam il y a un problème. On a tellement peur de dire ça», déclare Ismaël Saïdi, l’auteur de la pièce.
Ismaël Saïdi est un musulman pratiquant. Il ne se gêne pas pour affronter les contradictions de sa propre communauté.
Afin de ne pas laisser tout l’espace aux ignorants
Pour lui, la radicalisation dont on parle tant dans les médias est attribuable en partie à un sentiment d’exclusion. Sans oublier l’apport de sa propre communauté à ce phénomène. « Si moi, le Belge musulman, pratiquant assumé, je dis à mes enfants que s’ils mangent du porc, ils vont aller en enfer : comment vont-ils regarder votre fils qui en mange? On a déjà créé le fossé. Pour moi, la radicalisation, c’est ça ». Mais Ismaël Saïdi n’en veut pas qu’à sa communauté. Il en veut aussi au politiquement correct qui dicte la plupart des discours entourant l’exclusion ou la radicalisation.
On a laissé des sujets dans les mains de l’extrême droite en se disant : “Ça, on n’ose pas en parler!” Et le problème, c’est que l’extrême droite grossit en Europe. Finalement, le peuple se dit : “Il n’y a qu’eux qui disent la vérité!” affirme Ismaël Saïdi.
65 000 spectateurs pour une pièce «outil de discussion et de sensibilisation»
La pièce Djihad a été présentée devant plus de 65 000 spectateurs, dont la moitié constituée de jeunes de 15 à 18 ans. Pour l’auteur, Djihad est devenu un outil de discussion et de sensibilisation, mais « quand on prend la peine d’aller parler aux jeunes, on se rend compte que l’on peut vraiment être optimiste, que l’on peut tout changer. C’est un choix à faire. »
Le Djihad d’Ismaël Saïdi taille en pièces tous les concepts entourant la radicalisation, mais aussi l’exclusion et l’idéologie. La pièce s’attaque avec un humour décapant à ces clichés, ces fausses perceptions et cette méconnaissance qui forment nos opinions. Ismaël veut mettre les gens face aux contradictions des discours et de la pensée radicale, mais aussi celle de l’ignorance.
«De l’ignorance naît la peur, de la peur naît la haine, et de la haine naît la violence. Le problème aujourd’hui est que l’on s’attaque à la violence. Mais personne n’a pensé à s’attaquer à l’ignorance», conclut Ismaël Saïdi, citant le philosophe arabe et musulman Averroès (Ibn Rochd Al Kortobi).
30 décembre 2016
Source : atlasmedias.com