Lors de ce quinquennat, la délivrance des titres de séjour s’est faite, comme sous la droite, au cas par cas et a varié selon les préfectures.
«Lui, président», il avait promis que les régularisations de personnes sans papiers seraient opérées «au cas par cas sur la base de critères objectifs». Cet engagement de campagne de François Hollande en 2012 ne marquait en fait aucune rupture avec la gestion de ce dossier par les gouvernements de droite et de gauche depuis une trentaine d’années. Si des circulaires sont parfois plus libérales, la règle du «cas par cas» demeure un principe intangible. Le dernier quinquennat n’a donc pas bouleversé la donne. Et la «transparence» souhaitée par le candidat Hollande pour l’attribution d’un titre de séjour ne s’est pas vraiment imposée.
Combien de régularisations au cours du quinquennat ?
Il existe une multitude de titres de séjour pour les ressortissants qui dépendent de leur situation familiale, professionnelle, etc. Pour ceux que l’on appelle les «sans-papiers», qui vivent et travaillent (souvent) en France depuis plusieurs années, il faut mesurer l’impact de la circulaire du 28 novembre 2012, du ministre de l’Intérieur d’alors, Manuel Valls. Celle-ci fixe différents critères pour accéder à un titre de séjour, avec l’objectif d’harmoniser les pratiques d’une préfecture à l’autre. Concernant les familles, la régularisation devenait notamment possible pour celles justifiant d’une présence sur le territoire d’au moins cinq ans et d’un enfant scolarisé depuis au moins trois ans. Quant aux travailleurs sans papiers, ils se voyaient fixer plusieurs obligations : prouver leur présence sur le territoire depuis trois à sept ans et l’exercice d’un emploi. D’après les données publiées par l’Intérieur en juillet, la circulaire Valls a permis en 2015 la «création» de 29 100 titres de séjour (5 100 pour motif «salarié» et 24 000 titres pour motif «familial»), et 30 000 en moyenne par an sur les quatre premières années du mandat.
Les pratiques des préfectures ont-elles été harmonisées ?
«C’est l’aléa le plus total, à tel point que certaines préfectures sont plus recommandées que d’autres pour y déposer une demande de régularisation», déplore Me Stéphane Maugendre. Un constat partagé par sa consœur Vanina Rochiccioli, présidente du Groupe d’information et de soutien des immigrés : «L’application de la circulaire demeure discrétionnaire et il nous est difficile de conseiller les personnes. Parfois, on pense avoir toutes les pièces nécessaires, et on essuie un refus.» Les hommes célibataires sont souvent les plus mal lotis, notamment quand il leur faut fournir la preuve d’une résidence continue. Compliqué quand on est payé au noir ou hébergé à droite et à gauche. «Les préfectures exigent souvent un document par trimestre, raconte Mamba Touré, de la Coordination 93 de lutte pour les sans-papiers. Et certains sont considérés comme non-probants, comme les factures téléphoniques.» Mais la principale embûche reste la mauvaise volonté des employeurs, qui rechignent à fournir les papiers nécessaires à leur salarié, de peur de voir l’inspection du travail sanctionner des pratiques illégales ou par volonté de garder sous leur coupe une main-d’œuvre corvéable.
Comment améliorer la situation ?
Depuis plusieurs années, Marilyne Poulain, responsable «immigration» à la CGT Paris, a mené de nombreux combats pour les sans-papiers. Pour elle, «la législation doit évoluer», notamment la règle qui exige un Smic mensuel pour prétendre à une régularisation, «ce qui exclut une grande partie des femmes, souvent à temps partiel». Elle s’oppose aussi à la «taxe Ofii» - du nom de l’Office français de l’immigration et de l’intégration -, d’un montant de 55 % du salaire brut, qui doit être versée par l’employeur à l’Etat. «Elle est volontairement dissuasive. Et souvent, le patron demande au salarié de la payer lui-même.»
8 janvier 2017 , Sylvain Mouillard
Source : Libération