vendredi 22 novembre 2024 05:01

L'Allemagne tranche sur l'éventuelle interdiction d'un parti d'extrême droite

La Cour constitutionnelle allemande rend mardi son verdict sur une demande d'interdiction d'un parti d'extrême droite, le NPD, décision très attendue dans le pays au moment où la droite populiste anti-immigration est en plein essor.

Selon la plupart des médias, les juges suprêmes devraient rejeter la requête en invoquant la faible audience d'un mouvement qui a fait longtemps figure d'épouvantail en Allemagne, mais qui aujourd'hui est marginalisé par la montée du parti anti-immigration Alternative pour l'Allemagne (AfD).

"Nous ne sommes pas follement optimistes", a confié un des initiateurs de la demande du Bundesrat, sous couvert de l'anonymat, au quotidien Berliner Zeitung.

Si ce rejet se confirme, il s'agira du deuxième en 14 ans après une première décision de la Cour en 2003, suite à une demande à l'époque du gouvernement fédéral allemand.

Berlin voyait alors dans le Parti national-démocrate d'Allemagne (NPD) un réceptacle pour des groupuscules néo-nazis tentés par la violence antisémite et xénophobe.

La nouvelle tentative a été initiée en décembre 2013 cette fois par les Etats régionaux allemands, représentés à la chambre haute du Parlement national, le Bundesrat.

Elle l'a été après la découverte en 2011 d'une série de meurtres racistes commis par trois militants néo-nazis d'un groupuscule baptisé "Clandestinité national-socialiste" (NSU), proches du NPD.

Fondé en 1964, le NPD "partage des caractéristiques essentielles" avec la doctrine national-socialiste et "veut déstabiliser et mettre à bas l'ordre libéral-démocratique", a argumenté le Bundesrat.

Considéré comme un parti d'extrême droite par le renseignement intérieur, le NPD revendique 5.200 membres.
Ultranationaliste, le NPD prône une "Allemagne aux Allemands". Dans son programme, il mentionne "la survie et le maintien du peuple allemand dans son espace vital héréditaire d'Europe centrale", une rhétorique qui évoque le vocabulaire nazi.

Il est toutefois électoralement en perte de vitesse, crédité dans les sondages nationaux de seulement 1% des intentions de vote aujourd'hui, après avoir perdu l'an dernier ses derniers sièges de parlementaires régionaux. Le mouvement ne compte plus qu'un siège de marque, un député européen élu en 2014, Udo Voigt.

La Cour constitutionnelle allemande avait refusé l'interdiction en 2003 pour vice de procédure, après des révélations sur la présence d'"indicateurs" du renseignement intérieur au sein de la direction du NPD.
Depuis, ces informateurs ont été "désactivés". Pourtant, selon la presse allemande, cela ne devrait pas suffire à convaincre les juges suprêmes qui, lors des audiences ont laissé poindre leurs doutes sur la dangerosité réelle pour l'ordre démocratique d'un mouvement désormais marginal.

En raison du souvenir de la dictature hitlérienne, des critères très stricts ont été fixés dans la Constitution pour interdire un parti. Il n'y a que deux précédents: contre un héritier du parti nazi, le SRP, en 1952, puis contre le Parti communiste ouest-allemand (KPD), quatre ans plus tard.

Cette dernière décision reste très contestée en Allemagne, la Cour ayant été accusée d'avoir rendu une décision politique en pleine guerre froide.

Le contexte a en outre énormément changé en Allemagne depuis le dépôt de la demande d'interdiction en 2013.

L'AfD n'existait pas encore. Elle est créditée aujourd'hui de 10 à 15% des intentions de vote, son discours anti-immigration et anti-système convainquant une part croissante de l'opinion, notamment depuis l'ouverture du pays aux migrants en 2015.

L'AfD pourrait au vu des sondages avoir des députés à l'issue des législatives de septembre, une première pour un parti de ce type en Allemagne depuis 1945.

"Il est clair désormais que ce ne sont pas les tribunaux qui sont requis mais le monde politique et la société dans leur ensemble" contre "une radicalisation qui gagne le coeur de la société", juge le quotidien Süddeutsche Zeitung.

Autre facteur qui pourrait infléchir la décision de la Cour constitutionnelle: en cas d'interdiction, des régimes "autocrates" pourraient s'y référer pour justifier juridiquement chez eux le bannissement de formations gênantes, s'inquiète le journal de centre gauche.

17/01/2017

Source : AFP

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