La spoliation des biens immobiliers d’autrui est devenue un véritable casse-tête pour le ministère de la Justice. Le nombre de victimes ne cesse d’augmenter, notamment parmi les Marocains résidant à l'étranger et les étrangers installés au Maroc. Le phénomène a pris des proportions telles que le ministre de la Justice et des libertés parle «de crimes organisés orchestrés par un groupe de malfaiteurs qui se partagent les rôles».
La spoliation des biens immobiliers d’autrui est devenue un vrai casse-tête pour le ministère de la Justice et des libertés. À telle enseigne qu’il a organisé, lundi, une rencontre qui a réuni tous les acteurs intervenant dans le processus d’enregistrement des biens immobiliers auprès de la conservation foncière et le cadastre pour examiner les solutions à même de mettre fin au phénomène de la spoliation des biens d’autrui, particulièrement ceux appartenant aux Marocains résidants à l’étranger ou aux étrangers. Cette réunion vise à renforcer le dispositif de protection des biens immobiliers et fonciers de l’appropriation illégale.
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Le phénomène a pris des proportions inquiétantes, pour reprendre les propos du ministre de la Justice. «Cette activité criminelle se base sur différents moyens fallacieux pour induire la justice en erreur. Il s’agit du recours au faux et usage de faux, la falsification de documents comme les pièces d’identité, les actes d’héritages, les testaments et les actes de procuration dans le but de conclure des contrats de transactions immobilières à caractère légal dont les victimes, notamment les propriétaires ou les acquéreurs, se trouvent sans recours une fois qu’elles prennent conscience de l’escroquerie», note le ministre.
En effet, selon les dernières statistiques dévoilées par le ministre de la Justice lors de cette rencontre, près de 37 affaires de ce genre sont examinées actuellement au niveau des différents tribunaux nationaux, dont 25 sont en cours de traitement au niveau des différentes sections juridiques des Cours d’appel au niveau de Tanger, Casablanca, Kénitra, Beni Mellal et Safi, tandis que quatre affaires font toujours objet d’investigations et six sont examinées au niveau des chambres criminelles de première instance. Enfin, dix affaires se trouvent actuellement au niveau des chambres criminelles des Cours d’appel. Quant aux cinq affaires restantes, elles sont en cours de transfert vers la Cour de cassation pour rendre un jugement. Autant de statistiques qui démontrent, selon le ministre de la Justice, la gravité de cet acte qui prend désormais l’allure d’un phénomène, d'autant que dans certaines affaires, l’escroquerie n’est pas un acte individuel, mais se transforme en crime organisé orchestré par un groupe de malfaiteurs qui se partagent les rôles pour prendre possession illégalement du bien de citoyens en majorité résidant à l’étranger, voire des étrangers» ajoute M. Ramid.
Devant le sentiment d’insécurité que ressentent de nombreux propriétaires, le ministre de la Justice a appelé les intervenants dans ce secteur à mettre les bouchées doubles pour arrêter ce phénomène, d’autant plus que, souligne le ministre, les montants d’indemnisation décidés par les tribunaux administratifs en faveur des victimes et contre les agences nationales de conservation foncière pour manquement à leurs devoirs de protection des biens conservées atteignent désormais des sommes astronomiques. À titre d’exemple affirme le ministre, la Cour d’appel administrative a émis un jugement en décembre 2015, en vertu duquel l’État était contraint de verser une indemnisation de l’ordre de 46,793 millions de DH en faveur d’un étranger victime de spoliation, pour les manquements de la Conservation à la protection des droits des propriétés conservées.
Selon le ministre de la Justice, une batterie de mesure a déjà été mise en place en décembre 2015 lors d’une réunion ayant rassemblé tous les intervenants dans ce secteur pour endiguer ce phénomène. Parmi les actions décidées, la diffusion d’une circulaire à tous les procureurs généraux du Roi et les procureurs du Roi au sein des tribunaux afin d’intervenir dans toutes les affaires civiles ayant trait à la spoliation ainsi que les affaires comprenant des signatures de contrats étrangers relatifs à la passation de biens immobiliers ou fonciers et d’initier la collecte d’informations nécessaires pour élucider l’affaire. Le ministère appelle par ailleurs les procureurs à procéder à la saisie immédiate du bien immobilier ou foncier objet de spoliation et de coordonner avec les notaires, adouls et avocats afin d’identifier les cas de falsification.
Outre ces mesures, M. Ramid a exhorté les responsables juridiques à accélérer les initiatives d’initiation d’enquête autour des faits déclarés par les victimes et à rendre les jugements dans les plus brefs délais dans ce genre d’affaires. Il sollicite en outre les magistrats à durcir les jugements à l’encontre des criminels afin de dissuader les potentiels fraudeurs. S’adressant aux conservateurs fonciers, il a appelé ces derniers à rejeter automatiquement l’enregistrement de tout bien dont la transaction semble douteuse. Par ailleurs, le ministre de la Justice a annoncé, conformément aux Hautes Instructions royales, la mise en place d’un dispositif pour suivre de près la gestion des dossiers en instruction, ainsi qu’un plan d’action pour faire face à ce phénomène. M. Ramid a par ailleurs souligné la nécessité de veiller à mettre en place les mesures de nature à garantir une exécution rigoureuse des procédures juridiques et judiciaires et à prévenir contre tout manquement juridique afin de pallier toutes les lacunes pouvant être exploitées pour s’approprier le bien d’autrui.
16 January 2017 Yousra Amrani
Source: Le Matin