lundi 25 novembre 2024 02:33

Accord européen sur les travailleurs détachés

Le ministre du travail, Michel Sapin, peut pousser un soupir de soulagement. Les ministres du travail des Vingt-huit se sont mis d'accord, lundi 9 décembre à Bruxelles, pour tenter de limiter les dérives du statut des travailleurs « détachés », ces salariés européens qui peuvent travailler temporairement dans un autre pays de l'Union européenne. La France avait fait de ce sujet explosif une priorité afin de tenter de contrer la montée en puissance du Front national, en prélude aux élections municipales de mars et européennes de mai 2014.

Avec le soutien de l'Allemagne, Paris est parvenu à contrer l'opposition orchestrée par le Royaume-Uni, et la plupart des pays d'Europe centrale. Finalement, la Pologne, en position pivot, a rallié la position défendue par Berlin et Paris. Michel Sapin s'est d'ailleurs réjoui de l'attitude « bienveillante » du gouvernement polonais, pour lutter contre des « systèmes quasi mafieux ».

RENFORCEMENT DES CONTRÔLES

Il aura tout de même fallu plus de huit heures de pourparlers, et de nombreuses interruptions de séance, pour arracher le compromis espéré par le gouvernement français. Rien n'était encore acquis lundi matin, tant les divergences demeuraient importantes entre les capitales européennes pour réformer une législation en place depuis 1996.

Une majorité de pays, dont la France et l'Allemagne, entendaient renforcer les contrôles et lutter contre les dérives générées par le recours de plus en plus fréquent à la main-d'œuvre détachée. Ils entendaient en particulier responsabiliser toute la cascade de sous-traitants.

Dans les grandes lignes, il a été convenu que la liste de documents qui peuvent être réclamées à une entreprise détachant des travailleurs pour limiter les fraudes resterait « ouverte ». Mais les mesures décidées par les gouvernements sur leur territoire devront être notifiées à la Commission européenne, qui vérifiera, si elles sont « proportionnées ». Par ailleurs, un Etat sera dans l'obligation de poursuivre un donneur d'ordre pour les fraudes relevant d'un de ses sous-traitants, dans le seul secteur du BTP, chacun étant tenu de mettre en place un système de sanctions « équivalentes » pour lutter contre les fraudes. Cette « responsabilité conjointe et solidaire » restera cependant optionnelle dans les autres secteurs, comme les transports, l'agroalimentaire ou l'agriculture.

« Cette régulation s'appliquera à tous les pays ; ce n'est pas parce que vous êtes dans la minorité que vous ne devez pas respecter que ce qui a été adopté par une majorité », a souligné M. Sapin.

DÉRIVES

Ce nouveau renforcement la directive sur le détachement de travailleurs d'un pays à l'autre du continent concernera 1,5 million de personnes dans l'Union européenne. En France, 144 411 travailleurs détachés sont officiellement déclarés sur le territoire, selon un rapport d'information du Sénat publié en avril, faisant de l'Hexagone le deuxième pays d'accueil en Europe.

Grâce à ce statut, défini par la directive européenne du 16 décembre 1996, les travailleurs détachés sont censés bénéficier du salaire et des conditions de travail du pays d'accueil. De leur côté, les employeurs paient les cotisations sociales au pays d'origine. Ce qui, concrètement, leur permet d'embaucher des travailleurs à moindre coût dans des pays aux charges sociales bien plus élevées.

Mais, dans les faits, certains employeurs n'hésitent pas à contourner la loi, au détriment du salarié : salaires au rabais, horaires étendus... Les contentieux en cours sont nombreux et la première condamnation est tombée la semaine dernière : la cour d'appel de Chambéry a condamné une société immobilière pour « complicité de travail illégal ».

Selon les derniers chiffres du ministère du travail, entre 1 000 et 1 500 contrôles concernant le détachement des travailleurs ont été effectués en 2012. Un nombre insuffisant pour le ministre du travail, Michel Sapin, qui déplorait début novembre que « le contournement de ces règles s'accroît en France ».

09.12.2013, Philippe Ricard

Source : Le Monde.fr

 

 

Google+ Google+