jeudi 26 décembre 2024 06:14

Alkasim, 17 ans et Narek 16 ans, en prison pour avoir fui leur pays : la France indigne

Services sociaux débordés, afflux de jeunes mineurs étrangers, moyens insuffisants... La situation des jeunes immigrés en France se dégrade. Alkacim et Narek, 17 et 16 ans, ont été emprisonnés pour fraude à l'Aide sociale à l'enfance. Pour Armelle Gardien, militante pour le Réseau d'éducation sans frontières, ces faits ne sont pas dignes de la France. Elle nous explique.

Édité par Mathilde Fenestraz  Auteur parrainé par Hélène Decommer

 

Le conseil général du Rhône et l’Aide sociale à l'enfance (ASE) les ont fait condamner et emprisonner pour "escroquerie", les prétendants majeurs sur la base de tests d’âge osseux sans valeur scientifique. Convoqués au commissariat, ils ont été conduits à l'hôpital sous escorte policière, ont subi ces tests, ils ont été placés en garde à vue, jugés en comparution immédiate, condamnés et emprisonnés sur le champ.

 

 

 

Alkasim, élève d'un lycée de Décines (69) a été condamné à quatre mois ferme, à rembourser plus de 260.000 € de prise en charge par l'ASE et à cinq ans d'interdiction du territoire. Narek, du lycée E. Labé à Oullins a pris deux mois ferme.

 

Originaires d'un pays où l'on ne va pas en vacances

 

À Orléans, les mineurs isolés étrangers sont à la rue, proscrits : un arrêté du conseil général du Loiret du 10 avril 2014 subordonne notamment l’accueil de mineurs isolés étrangers à deux conditions : qu’il existe une place disponible dans le dispositif d’accueil, d’autre part que soit présenté un certificat médical attestant que le jeune n’est pas infecté par le virus Ebola.

 

Ces mineurs isolés étrangers (MIE), comme on les désigne, ont été un jour envoyés au loin, tenter leur chance dans notre monde. Ils viennent de pays troublés où on ne va pas en vacances, du Congo, d’Arménie, de Géorgie, ou d’ailleurs. Ils ont - forcément- des parents, qui les ont confiés à des passeurs pour les protéger ou leur assurer une vie meilleure, les ont peut-être abandonnés ou sont peut-être morts. Certains ont cheminé deux ans, parfois plus.

 

Les plus forts, les plus malins, les plus chanceux sont arrivés ici. En Zodiac par Lampedusa ou Gibraltar ou des journées dans le coffre d’un camion. Débarqués à Roissy, déposés Gare du Nord à Paris, ou à Vintimille, avec un acte de naissance et dans le meilleur des cas, une adresse.

 

Ce sont des enfants, même si leur histoire et le voyage les ont rendus plus mûrs, trop mûrs, parfois, avant l’âge.

 

L’âge d’aller à l’école, d’étudier, d’apprendre, de faire des projets et d'avoir des rêves. Ceux qui parviennent à être scolarisés étudient, pourtant certains dorment dans la rue.

 

Ces ados deviennent des étrangers

 

Ce pays, héritier d'une certaine tradition égalitaire, a fait de l’éducation un droit inaliénable.

 

Il a introduit et mis en œuvre le devoir de prise en charge de tout mineur, fille ou garçon, noir ou blanc, français ou étranger. Une mission confiée aux conseils généraux et à l’Aide Sociale à l'Enfance. Qui aujourd’hui, pour certains d’entre eux, estiment la charge trop élevée et décrètent la préférence nationale : avant d'être des enfants, ces adolescents deviennent des étrangers à ne pas prendre en charge.

 

Jeunes éconduits après un entretien sommaire, exigence de documents impossibles à obtenir, remise en cause systématique de leurs documents d'identité officiels, examens médicaux humiliants, tests d'âge osseux sans valeur, certaines ASE, sur ordre, déploient des stratégies pernicieuses pour en éliminer le maximum.

 

Ceux que vous avez peut-être sans le savoir croisés alors qu’ils s’abritaient pour la nuit sous des cartons ou un pas de porte.

 

Tous les mineurs doivent être pris en charge

 

 

 

On en est là, aujourd'hui, en France. Indignons-nous ! Non. Cela ne suffit plus ! Ces faits inadmissibles, s’ils concernent d'abord les mineurs isolés traités de façon indigne, concernent en réalité toute la société. Ils sont commis en notre nom.

 

Nous demandons que cela cesse.

 

L’histoire de ce pays est celle de l’immigration au long des siècles. Un pays où des enfants, des hommes, des femmes, venus de tous les continents, ont un jour posé leurs bagages et apporté leur intelligence, leur créativité, leurs forces. Nous nous enorgueillissons, avec raison, des Chagall, Marie Curie, Flora Tristan, et de tant d’autres.

 

N’acceptons plus de rayer les Maisons d'Initiatives Étudiantes (MIE) de cette histoire. Les mineurs, tous les mineurs, étrangers comme français, doivent être pris en charge par la société. Si un doute existe sur leur âge, il doit leur profiter. Ils doivent être considérés comme mineurs jusqu'à preuve avérée du contraire. Sans valeur scientifique, les tests d'âge osseux doivent être abandonnés.

 

À leur majorité, les mineurs isolés pris en charge par l'ASE doivent recevoir un titre de séjour "Vie privée et familiale" qui leur permette d'achever leurs études puis de bâtir leur existence dans un pays qui, de toute façon, sera tôt ou tard le leur, de droit, comme il l'est déjà de fait.

 

04-06-2014, Armelle Gardien

 

Source : nouvelobs.com

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