mercredi 25 décembre 2024 19:20

Calais va rouvrir un centre d’accueil pour migrants

C'est un revirement inattendu de la part du ministère de l'intérieur. A l'issue d'une rencontre avec Bernard Cazeneuve, mardi 2 septembre, la sénatrice et maire UMP de Calais, Natacha Bouchart, a annoncé le « feu vert » de la Place Beauvau pour créer un centre d'accueil pour les milliers de candidats à l'exil qui transitent chaque année par la cité portuaire. « Une étape est franchie, il n'y a plus qu'à voir les modalités pratiques », s'est-elle félicitée lors d'une conférence de presse improvisée au Sénat, en fin de journée.

Le préfet du Pas-de-Calais, Denis Robin, avait déjà annoncé, samedi 30 août, à l'issue d'un été marqué par de nombreuses tensions avec les migrants, que l'Etat était prêt à « améliorer les prestations délivrées » et que des « discussions » allaient être engagées avec les associations. Mais la déclaration de M. Robin, faite dans la cité portuaire à la presse régionale, est passée inaperçue. Cette décision, confirmée mardi soir par le cabinet du ministre de l'intérieur, constitue donc un vrai tournant.

Depuis la fermeture, en 2002, du centre de Sangatte, après seulement trois ans de fonctionnement, il existait chez beaucoup d'élus, notamment à droite, et de représentants de l'Etat un consensus pour ne pas recréer une structure de ce type. A l'époque, ce vaste hangar situé dans une station balnéaire à 12 kilomètres de Calais avait été très vite débordé. Il avait accueilli jusqu'à 1 800 migrants – pour une capacité de 800 places – et était de facto devenu la plaque tournante des passeurs.

Mais au ministère de l'intérieur, on réfute catégoriquement l'idée de créer un nouveau Sangatte. « Le ministre a toujours dit qu'il était contre », insiste-t-on au cabinet de M. Cazeneuve. « La situation de Sangatte, c'était le désastre humanitaire, l'appel d'air pour les migrants », a-t-il encore répété le 29 août sur Europe 1.

HÉBERGEMENT DE NUIT POUR LES FEMMES ET LES ENFANTS

Alors que depuis sa fermeture les candidats au passage vers le Royaume-Uni errent dans des squats ou des campements cachés dans les dunes, le nouveau centre se veut une solution « différente », insiste-t-on dans l'entourage du ministre. Le futur centre ne ferait en effet que de l'accueil de jour. Les migrants ne pourraient pas y dormir, comme c'était le cas à Sangatte.

La sénatrice et maire de Calais va, elle, un peu plus loin et précise que des propositions d'hébergement de jour comme de nuit pourraient être faites aux femmes et aux enfants. Un public nouveau, alors que 95 % des migrants sont des hommes seuls. Mme Bouchart assure aussi que le centre de jour pourrait accueillir les migrants la nuit « dans le cadre du plan grand froid ». « L'Etat met en place un dispositif d'accueil Grand Froid chaque année partout sur le territoire », relativise-t-on chez M. Cazeneuve.

Le futur centre pourrait être installé dans les locaux d'un centre aéré de Calais – le centre Jules-Ferry – situé juste à l'extérieur de la ville. Ce bâtiment « aux normes », qui a encore été utilisé cet été, a une capacité d'accueil de 600 à 1 400 enfants. « Il pourrait déjà accueillir 400 migrants d'ici un mois », a précisé Mme Bouchart. Le préfet du Pas-de-Calais devrait s'y rendre dès cette semaine pour examiner la façon d'organiser les choses, selon l'élue.

ENTRE 1200 ET 1300 MIGRANTS

D'après le schéma retenu pour l'instant, ce futur centre serait une sorte de fusion de diverses petites structures d'aide aux migrants déjà existantes, soutenues financièrement à différents niveaux, par la mairie, le conseil général ou le conseil régional. Après la fermeture de Sangatte, et face à la misère humanitaire des candidats à l'exil, une distribution quotidienne de repas a été organisée. Des cabines de douche ont été installées. En 2010, un foyer de jour a aussi été créé, et en 2006, une permanence d'accès aux soins a été ouverte.

Mais toutes ces structures avaient été volontairement éloignées les unes des autres afin d'éviter les effets de « fixation ».

Une méthode qui a atteint ses limites avec l'explosion du nombre de migrants du fait de l'instabilité politique en Afrique et au Proche-Orient. Alors qu'ils étaient 300 à 500 en transit ces dernières années à Calais, ils seraient aujourd'hui entre 1 200 et 1 300. C'est cet afflux qui aurait poussé Mme Bouchart « à changer d'avis » sur les solutions d'hébergement.

Avec la création de ce centre, on indique au ministère de l'intérieur être à la recherche d'une « solution durable ». A la différence de Sangatte, les grandes structures chargées des procédures pour les étrangers pourraient en effet y avoir une permanence.

MISE EN PLACE D'UN GROUPE DE TRAVAIL FRANCO-BRITANNIQUE

Pour les potentiels demandeurs d'asile – pour l'instant rares –, il s'agirait de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). L'Office français de l'immigration et de l'intégration pourrait, lui, s'occuper notamment de « l'aide au retour ».

Cette entente inattendue entre la sénatrice et maire UMP de Calais et le ministère de l'intérieur s'inscrit dans une volonté commune de renforcer le rapport de force avec les autorités britanniques. Lors de son point presse, l'élue UMP est allée jusqu'à menacer de « bloquer le port », bien que cela soit « illégal », afin d'obtenir « un geste fort » des Anglais. Elle accuse notamment ces derniers, du fait de leur faible contrôle du travail au noir, de favoriser un mythe de « l'eldorado ».

Lors d'une visite à Londres, le 29 août, dans le cadre d'une tournée européenne sur les questions migratoires, M. Cazeneuve a, lui, demandé aux Britanniques de « participer financièrement à la sécurisation du port ». Cette sécurisation coûterait environ dix millions d'euros par an. Un groupe de travail franco-britannique a été mis en place lundi 1er septembre.

04.09.2014, Elise Vincent

Source : LE MONDE

 

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