mardi 26 novembre 2024 04:41

Chauconin-Neufmontiers. La brigade marocaine dans la bataille de la Marne (1914)

Au début de la Première Guerre mondiale, durant la bataille de la Marne de septembre 1914, le village de Chauconin-Neufmontiers constitué à l'époque de deux petits villages distincts, est le théâtre de violents combats. Parmi les combattants de l'armée française, des soldats coloniaux et plus particulièrement une brigade marocaine prennent une part active aux combats. Initialement, des troupes auxiliaires marocaines sont créées en juin 1912 par le général Moinier, alors commandant des troupes françaises au Maroc, et sont employées prioritairement à la pacification du Maroc, comme le raconte le Maréchal Juin dans un ouvrage qu'il a consacré à l'histoire de cette brigade. En 1914, la brigade marocaine se compose de deux Régiments de Chasseurs Indigènes à pied, réunissant 5 bataillons tous dirigés par des officiers français et surnommés Brigades de chasseurs indigènes.

Durant le conflit, des contingents issus du département d'Algérie et des protectorats du Maroc et de Tunisie, fournissent près de 260.000 combattants mobilisés dont près de 176.000 pour l'Algérie, 34.000 pour le Maroc et 50.000 pour la Tunisie. Ces contingents sont mobilisés sur tous les fronts, en France et en Orient, et subissent des pertes comparables à l'ensemble des corps d'armée, entre 17 et 20% de soldats tués au combat: près de 50.000 soldats issus du Maghreb sont tombés sur le champ de bataille. À ces combattants, s'ajoutent les tirailleurs d'Afrique noire dits «sénégalais» et les tirailleurs indochinois et malgaches. En août 1914, trois divisions d'infanterie, la 3ème brigade du Maroc et la brigade des chasseurs indigènes sont envoyées sur le front. Les six premiers jours de la guerre sont extrêmement meurtriers en raison de l'inexpérience des combattants, du manque d'instruction et des erreurs d'encadrement.

En septembre 1914, la 19ème compagnie du 276ème régiment de réserve d'infanterie, à laquelle appartient l'écrivain Charles Péguy, est envoyée aux environs de Paris, non loin des villages de Chauconin et Neufmontiers. Parmi ces combattants, la brigade marocaine d'environ 4.300 hommes participe à la bataille de l'Ourcq durant la première phase des combats, aux limites de la Marne. Les pertes témoignent de la violence des combats qui ont lieu entre le 5 et le 12 septembre: seuls 800 soldats sortent indemnes des combats; 3.500 sont tués ou blessés. À la fin de la guerre, les Régiments sont cités à l'ordre de l'Armée:

Disciplinés au feu comme à la manSuvre, ardents dans l'attaque, tenaces dans la défense de leurs positions jusqu'au sacrifice, supportant au-delà de toute prévision les rigueurs du climat du Nord, ils donnent la preuve de leur valeur guerrière. De telles qualités les placent définitivement sur le même rang que nos meilleures troupes d'Afrique et les rendent dignes de combattre, aux côtés des troupes françaises.

Lors de la réoccupation du village de Neufmontiers, le 6 septembre au matin, les Marocains encerclent des Allemands qui sont faits prisonniers. Au terme de la bataille de la Marne, la brigade ne compte alors que 700 rescapés environ, qui sont ensuite versés dans un nouveau régiment. Lors de la seconde bataille de la Marne, du 15 au 20 juillet 1918, des combattants marocains sont également engagés dans les combats qui ont lieu au Nord de Château-Thierry. De nombreux documents iconographiques témoignent de cet engagement et on peut y voir les soldats dans leur tenue traditionnelle : sédria (veste arabe), gilet, ceinture de flanelle, saroual (pantalon sans jambes), chéchia (bonnet) rouge à cordon, surmonté éventuellement d'un chèche blanc (foulard porté en turban).

Un monument, appelé «Grande Tombe de Villeroy», a été érigé en 1932 près de l'endroit où Péguy fut tué, sur la commune de Chauconin-Neufmontiers, mais ne fait pas référence à l'engagement des Marocains. L'engagement dans le conflit des troupes venues du Maghreb ne s'est inscrit que très progressivement dans la mémoire collective nationale. En 2011, en souvenir de cette brigade marocaine, une plaque est posée et un chemin de randonnée de 7 kilomètres a été inauguré par le maire de la commune et le Consul général du Maroc à Orly.

Sources complémentaires : 

Sources

AD77,M3924, Cabinet du préfet, Journée de l'armée d'Afrique et des troupes coloniales (8 juillet 1917).

AD77,2Fi9870, Carte postale représentant des tirailleurs marocains soignant un blessé allemand près de Villeroy en 1914.

Image :«Les tirailleurs marocains», in Jules Gervais-Courtellemont, Les Champs de bataille de la Marne, récit technique et documenté. Photographies directes en couleurs, Paris, L'Édition française illustrée, s.d., p.9, AD77, Az2764.

Références : 

AA.,VV., «Les soldats maghrébins dans l'armée française, XIXe-XXe siècle», Migrance, n°38, 2011, 88p.

CARLIER,Claude, PEDRONCINI,Guy (dir.), Les Troupes coloniales dans la Grande Guerre, Paris, Economica, 1997, 206 p.

DEROO,Éric, LEMAIRE,Sandrine, CHAMPEAUX,Antoine, NIANG,Papa Momar, Histoire des tirailleurs,Paris, Seuil, 2010, 61p.

DEROO,Éric, CHAMPEAUX,Antoine, «Panorama des troupes coloniales françaises dans les deux guerres mondiales», Revue historique des armées, n°271, 2013, pp.72-88.

DEROO,Éric, CHAMPEAUX,Antoine, «L'histoire des troupes indigènes de l'armée française», Les Chemins de la Mémoire, n°234, mars 2013, pp.7-10.JUIN Alphonse (maréchal), La brigade marocaine à la bataille de la Marne, Paris, Presses de la Cité, 1964, 166p.

MICHEL Marc, Les Africains et la Grande Guerre. L'appel à l'Afrique (1914-1918), Paris, Karthala, 2003, 306p.

Source : odysseo.generiques.org

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