jeudi 26 décembre 2024 14:12

Code de la nationalité en France : les pistes d'une réforme

L'affaire du polygame présumé de Nantes aurait pu rester confidentielle. Si sa compagne n'avait protesté contre l'amende de 22 euros reçue pour conduire avec son niqab, Lies Hebbadj serait resté un personnage controversé parmi les musulmans de Nantes, un inconnu du grand public. Mais une fois son dossier en main, Brice Hortefeux «a tenu à ouvrir le débat sur la déchéance de la nationalité française, car c'est une question légitime dans ce cas», explique-t-on dans l'entourage du ministre de l'Intérieur. Depuis, ce cas médiatique et trouble sert d'étendard à ceux qui souhaitent soumettre les Français naturalisés à un contrôle plus sévère.

Lies Hebbadj, lui, devrait probablement conserver sa carte d'identité française, quand bien même les faits de polygamie et de fraudes aux allocations familiales seraient confirmés et sanctionnés par la justice, a fait savoir lundi le ministre de l'Immigration. Qui se dit maintenant prêt à étudier «(avec Brice Hortefeux) et le ministre de la Justice, la possibilité d'une évolution de notre droit sur ce point comme d'autres atteintes caractérisées aux valeurs fondamentales de notre République, notamment l'excision ou certains crimes particulièrement graves».

En attendant que l'Élysée décide de l'opportunité de lancer ce sujet sensible, dans les ministères concernés, on s'interroge sur les possibilités de modifier la loi. Parmi les pistes est évoquée la charte des droits et des devoirs que les naturalisés devront signer à l'avenir. Elle n'a pas de valeur juridique. Mais on pourrait introduire dans le Code civil, un article qui exigerait son respect, sous peine de déchéance. Se poserait alors la question d'un délai, pour éviter de créer une nationalité en sursis. On rappelle par ailleurs, au ministère de l'Immigration, que jusqu'en 1998, l'article 25-5 du Code civil permettait au gouvernement de prononcer la déchéance de la nationalité française de toute personne «ayant acquis la nationalité française, si elle avait été condamnée en France ou à l'étranger à une peine d'au moins cinq années d'emprisonnement pour un acte qualifié de crime par la loi française».

C'est ainsi qu'un homme condamné en 1986 à dix ans de réclusion criminelle pour viols par ascendant, M. de Sousa, avait perdu sa nationalité française. Tout comme M. Soumaré, condamné à cinq ans de prison avec sursis en 1990 pour l'excision de sa fille naturelle. Certains envisagent de rétablir cet alinéa abrogé. Il s'ajouterait alors à ceux du Code civil qui prévoient déjà la déchéance en cas d'espionnage, de terrorisme ou de fraude.

Mais le gouvernement se veut prudent. Cette fois, il ne s'agit pas de «mener une grande réforme de l'acquisition de la nationalité», assure-t-on au ministère de l'Intérieur, soucieux de ne pas ouvrir la boîte de Pandore. «Mais on pourrait envisager une légère adaptation pour permettre la déchéance dans les cas les plus graves», plaide-t-on Place Beauvau.

Par le passé, les réformes du Code de la nationalité ont suscité des joutes intenses. Historiquement, le droit français de la nationalité a toujours combiné, en proportion variable selon les époques, droit du sol et droit du sang. Mais depuis les années 1980, droite et gauche se sont opposées, essentiellement sur l'acquisition automatique de la nationalité pour les enfants d'immigrés nés et résidents en France. En 1993, les lois Pasqua établissent «une déclaration de volonté». Pour la première fois depuis 1889, l'obtention de la nationalité à la majorité n'est plus automatique. La loi Guigou de 1998, rétablit la nationalité «de droit» à la majorité. Et supprime la déchéance pour les crimes punis d'au moins cinq ans de prison.

Aujourd'hui, les associations se disent vigilantes. SOS Racisme a fait savoir ce mardi, qu'elle «n'acceptera pas qu'émergent des dispositions visant à faire entrer dans le droit qu'il existerait des “vrais Français” et des “Français de papiers” pour lesquels la nationalité serait une réalité de plus en plus aisément réversible». Le gouvernement attend maintenant le dénouement judiciaire de l'affaire Hebbadj pour relancer son volet politique.

Source : Le Figaro

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