lundi 25 novembre 2024 17:33

Comment vivent les Marocains du Sénégal et de la Gambie

Bien des décennies après leur première vague migratoire, datée approximativement vers 1870, et le passage par des métissages successifs, leurs visages ont fini par prendre les traits des habitants du pays, comme ils ont d'ailleurs adopté leur parler, leur façon de s'habiller ou de se coiffer. Tout les porte à se confondre avec les Sénégalais et les Gambiens de souche mais, au fond d'eux-mêmes, ils restent marocains, très attachés à leurs origines, attachement qu'ils manifestent volontiers et avec exubérance à la moindre occasion.

Ce sont les descendants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de caravaniers ayant choisi de dresser leur bivouac définitif à Saint-Louis, Dakar ou Banjul. Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, ils étaient venus par dizaines de Fès, de Marrakech, du Tafilalet et des provinces sud du Royaume, connues pour être un carrefour de commerce transsaharien entre le Maroc et l'Afrique de l'Ouest, apportant dans leur bagage les éléments de la culture arabo-musulmane qui vont fortement marquer leurs sociétés d'accueil. Un siècle plus tard, une nouvelle vague d'émigrés marocains est venue s'ajouter aux pionniers, composée essentiellement d'étudiants, d'artisans, de commerçants et, plus récemment, d'hommes d'affaires, de cadres d'entreprises et de banquiers.
Estimés, officiellement, à environ 3.000 - mais plus de 4.000 en réalité - ces Marocains nés ou résidant au Sénégal et en Gambie constituent une importante composante de la société de ces deux pays et un élément fondamental de la pérennité et de l'excellence des relations qu'ils entretiennent avec le Maroc. Les échanges humains et le partage d'un idéal religieux identique sont le ciment de ces liens séculaires qu'ont su forger et consolider les générations successives de Marocains établis dans cette partie de l'Afrique.

Cette communauté se partage entre les générations issues de mariages mixtes et ceux qui sont venus tout récemment.

Si pour les derniers les choses sont assez simples, relativement à leur nationalité marocaine indiscutable, les premiers sont confrontés au problème de l'identité. La plupart d'entre ceux-là sont démunis de tout document déterminant leur marocanité ou prouvant leur ascendant marocain. Leur acte de naissance, s'ils en disposent, n'a pas fait l'objet de transcription dans les registres de l'état civil marocains. Ils se trouvent, de ce fait, privés de carte d'identité nationale et de passeport marocain. Cet écueil ne les empêche pas de vivre normalement et de se fondre harmonieusement dans la société d'accueil, loin de là, mais il leur fait courir le risque de perdre progressivement et définitivement les constituants de leur culture marocaine. D'ailleurs les signes de cette déshérence annoncée sont visibles chez la toute dernière génération qui, en dehors du nom que portent les jeunes et les enfants qui la composent, ne parle ni ne comprend la langue maternelle de ses aïeux.

La pratique de l'arabe est en train de se perdre. La bonne volonté des parents pour entretenir chez leurs enfants le sentiment d'appartenir à une culture autre que celle sur laquelle ils ont ouvert les yeux ne suffit pas, en l'absence de structures capables de suppléer leurs efforts. Leurs liens avec le Maroc auraient pu s'affaiblir et finir même par se désagréger n'étaient-ce la sollicitude montrée à leur égard par les hautes autorités des trois pays et leur engagement à pérenniser ce trait d'union entre eux. Un continuel appel à l'aide est cependant lancé par ces Marocains animés par une flamme patriotique particulièrement vivace qu'ils ne voudraient pas voir s'éteindre un jour.

C'est en réponse à cette attente qu'une délégation menée par Mohammed Ameur, le ministre chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, s'est déplacée récemment à Dakar et à Banjul. Le ministre y est allé écouter ces citoyens en mal de patrie et voir avec eux ce que le gouvernement marocain pourrait entreprendre pour satisfaire leurs doléances. Car outre les problèmes liés à la confirmation de l'identité nationale et culturelle, la situation sociale d'une partie d'entre eux n'a cessé de se dégrader, affectée par le vieillissement d'une génération sans ressources ni couverture sociale et par une conjoncture économique générale défavorable à leur commerce jadis florissant. A cela s'ajoutent les difficultés que rencontrent les nouveaux migrants, surtout les étudiants, de loin la catégorie la plus représentée au sein de la communauté établie au Sénégal, comme la rareté de logements estudiantins, la cherté du voyage au Maroc et les alternatives peu pratiques au transport aérien.

Malgré un nombre assez important d'associations à caractère social et culturel constituées par les Marocains du Sénégal, peu d'actions structurantes ont été entreprises pour atténuer les difficultés que les plus démunis d'entre eux vivent au quotidien. Cet appel a été entendu puisqu'un noyau de réseau sera bientôt mis en place pour identif.

Source : Le Matin

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