lundi 25 novembre 2024 22:57

Des migrants échoués aux portes d'une Hongrie hostile

Sur un bout de terre inhospitalier à la frontière serbo-hongroise, un camp de fortune a grossi au fil des semaines, où des dizaines de migrants attendent d'entrer en Hongrie, un pays qui ne veut pas d'eux.

"Les familles rentrent, mais pour les hommes seuls, les chances sont faibles", constate un Syrien face à l'imposante clôture barbelée érigée par Budapest l'été dernier, le long des 175 kilomètres de frontière avec la Serbie.

Autour du jeune homme, des vêtements sèchent sur les branches, des couvertures ont été tendues sur des piquets pour servir d'abri, des ordures et des pneus brûlés dégagent une fumée nauséabonde.

"Les toilettes, c'est derrière les arbres", explique Amir, un Afghan de 17 ans accompagné de six membres de sa famille, dont une femme âgée assise à même le sol, une béquille à ses côtés.

Une centaine de migrants attendent chaque jour de franchir le tourniquet qui fait passer de l'autre côté des barbelés mais seuls trente, en moyenne, sont admis dans la "zone de transit" faite de cages métalliques, qui marque l'entrée en Hongrie.

Le point de passage frontalier de Röszke, à mi-chemin entre Budapest et Belgrade, avait perdu l'habitude d'une telle affluence.

En septembre, il avait été le théâtre de scènes de chaos lorsque le gouvernement de Vikor Orban avait verrouillé cette frontière aux milliers de migrants qui souhaitaient traverser la Hongrie pour rejoindre le nord de l'Europe.

Les barbelés hongrois avaient déporté les candidats à l'asile vers la Croatie et la Slovénie.

Puis cet itinéraire via la Slovénie s'est à son tour refermé en mars, sous la pression notamment de l'Autriche voisine.

Plus de 45.000 personnes sont depuis lors bloquées en Grèce, n'aspirant qu'à rejoindre les pays plus prospères du nord de l'Europe.

Aux migrants qui ont les moyens, les réseaux de passeurs promettent de déjouer les frontières fermées dans les Balkans. Au risque de finir échoués dans ce no man's land serbo-hongrois, l'une des voies de transit vers l'Allemagne, l'Autriche ou la Suède.

Ceux qui atteignent la frontière hongroise ont deux options: la franchir clandestinement, risquant l'arrestation dans ce pays au discours antimigrants décomplexé ou bien demander l'asile en Hongrie.

Selon la police, le nombre de migrants interceptés en Hongrie est passé de 80 par jour en février à 130 en avril, soit un total de 10.500 personnes depuis début 2016. Les chiffres étaient proches de zéro fin 2015.
En Autriche, 100 à 150 demandes d'asiles sont actuellement déposées chaque jour témoignant, selon le ministère de l'Intérieur, de la vigueur des réseaux de passeurs.

"J'attends depuis huit jours d'entrer", confie Ahmed, 21 ans, un Syrien arrivé via la Turquie et la Bulgarie qui se lave les pieds au seul point d'eau disponible, un tuyau installé par les autorités hongroises qui fournissent également une ration alimentaire quotidienne.

Depuis les attentats de Bruxelles du 22 mars, les contrôles dans la zone de transit prennent plus de temps et ralentissent les entrées, selon les autorités.

La Hongrie "n'est pas légalement obligée de prendre en charge les étrangers qui attendent dans les zones de transit", a expliqué le service de l'Immigration dans un email à l'AFP.

Les chances sont de toute façon faibles d'obtenir l'asile en Hongrie, dont le Premier ministre alimente la psychose contre les étrangers à coup de campagnes décrivant "l'entrée d'un migrant en Europe toutes les 12 secondes" ou des "terroristes déguisés".

Les organisations de défense des droits de l'Homme comme le comité d'Helsinki ont dénoncé "le déni total de protection" aux demandeurs d'asile en Hongrie. Plusieurs pays européens n'y renvoient plus les migrants déboutés.

Placés dans des camps, menacés d'un renvoi en Serbie, beaucoup disparaissent dans la nature.

Un Syrien a confié à l'AFP qu'un de ses amis arrêté en train de franchir la clôture, détenu une journée, lui a "quelques jours plus tard envoyé un message d'Allemagne".

D'autres vivent un cauchemar. Depuis plusieurs semaines, une Syrienne partiellement aveugle de 63 ans et un compatriote de 29 ans, en fauteuil roulant, sont jugés en Hongrie pour avoir détérioré et traversé le point de passage frontalier lors des événements de septembre à Röszke.

Environ 2.700 migrants ont été jugés depuis septembre pour entrée illégale dans le pays.

12/05/2016

Source : AFP

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