lundi 25 novembre 2024 02:35

Droit du sol : l'UMP veut lancer une périlleuse réforme de ce principe fondateur

"Le droit du sol c'est la France", a déclaré un ancien président de la République. Lequel? Nicolas Sarkozy, au cours de la dernière campagne présidentielle. C'était sur le plateau de Canal+, durant l'entre-deux tours de l'élection. Aujourd'hui pourtant, au sein de sa famille politique, nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour s'interroger sur ce principe voire carrément le remettre en cause. Quitte à marcher allègrement sur les plate-bandes du Front national.

Ce sujet sera l'une des thématiques abordées ce jeudi 12 décembre au cours de la convention sur l'immigration organisée par l'UMP. Ce rendez-vous a été annoncé au mois d'octobre par un Jean-François Copé qui tentait ainsi de surfer sur l'affaire Leonarda. "Il faut réécrire complètement la politique de l'immigration", faisait valoir le président du parti en promettant une proposition de loi en ce sens d'ici à la fin de l'année.

Mais son idée a aussitôt soulevé un tollé, le Parti socialiste dénonçant une course effrénée derrière le FN pour remettre en cause un fondement de notre pacte républicain: "Ils sont en train de faire le carburant du FN", expliquait le ministre Benoit Hamon. "C'est irresponsable, cela banalise le FN", ajoutait David Assouline le porte-parole du PS remarquant que cette proposition figure dans "le programme du FN depuis 25 ans".

L'initiative n'a d'ailleurs pas trompé les Français. Un sondage réalisé quelques jours après la proposition de Jean-François Copé montre en effet que si l'opinion semble valider le projet de réforme du droit du sol (72%), une majorité estime que la finalité est avant tout électoraliste. 76% des personnes interrogées disent en effet que l'objectif principal du président de l'UMP "est de mobiliser les électeurs en vue des élections de l'année prochaine". En clair, l'UMP cherche à séduire les électeurs tentés par l'extrême-droite.

Un principe qui date de 1851

"Cette initiative de Copé montre que nous imposons nos choix", se félicite Louis Aliot, vice-président du FN. Le parti de Marine Le Pen était jusqu'à présent le seul à vouloir mettre fin à ce point majeur du code de la nationalité. Depuis le milieu du XIXe siècle (1851), il édicte le principe suivant: tout enfant né en France, de parents étrangers, acquiert la nationalité française de manière automatique à ses 18 ans s'il habite en France à ce moment là et s'il y a habitué au moins cinq ans depuis ses 11 ans. Le musée de l'immigration rappelle sur son site Internet, que c'est pour des raisons démographiques que la France a ouvert ce droit aux étrangers.


Le droit du sol n'est cependant le seul principe en vigueur puisqu'il cohabite avec la notion de droit du sang, introduit par Napoléon dans le Code civil en 1804: un enfant devient français à sa majorité si l'un de ses deux parents a la nationalité française, quel que soit son lieu de naissance. Ce point n'a jamais été remis en cause tandis que le droit du sol a déjà subi plusieurs restrictions au cours des 20 dernières années.

En 1993, la loi Méhaignerie avait en effet supprimé l'automaticité de l'acquisition de la nationalité. Un adolescent devait en effet faire une demande entre 16 et 21 ans et il n'était pas sûr de l'obtenir notamment en cas de condamnation judiciaire. Une peine égale ou supérieure à six ans de prison pouvait lors lui être fatale. En 1998, un an après son retour au pouvoir, la gauche a abrogé cette disposition, revenant à l'automaticité qui est toujours en vigueur aujourd'hui. Durant son quinquennat, Nicolas Sarkozy n'avait jamais voulu toucher à ce principe.

Pas de nationalité française pour les enfants de clandestins?

Bien qu'ils s'en défendent, c'est pourtant bien ce que souhaitent Jean-François Copé et une grosse partie de l'UMP. La Droite forte, de Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, premier courant du parti souhaite ainsi passer "du droit du sol au droit du choix". En clair, ces deux Sarkozystes souhaitent un retour à la loi de 1993. "L'acquisition de la nationalité sera le résultat du choix de l'immigré qui souhaite devenir français comme le choix de la France, qui acceptera de l'accueillir au sein de la communauté nationale à condition qu'il ait réussi son parcours d'assimilation", estiment-ils dans une tribune au HuffPost. Pour devenir français, un adolescent devra ainsi prouver qu'il maîtrise le Français, qu'il accepte la laïcité et qu'il a un casier judiciaire vierge.

Proche de Brice Hortefeux, le député Guillaume Larrivé a déposé, fin octobre, une proposition de loi qui se rapproche de ces principes. Elle pose aussi un autre principe défendu par Jean-François Copé: un enfant né de deux parents en situation irrégulière ne pourra pas obtenir la nationalité française. "L'acquisition de la nationalité française ne doit plus être automatique pour les enfants de personnes entrées clandestinement sur notre territoire. Ce principe doit être rappelé outre-mer comme en métropole", précise Brice Hortefeux, ce mercredi dans le Figaro, en référence notamment à Mayotte où l'immigration clandestine est importante.

Si cette question soulève autant de passion, c'est qu'elle renvoie à l'image, aux traditions et aux valeurs de notre pays. Comme le précise le musée de l'immigration, "la France est le pays européen qui a ouvert le plus tôt la nationalité aux étrangers dès la deuxième moitié du XIXe siècle". Et une récente étude du Migration policy groupe menée en partenariat avec France Terre d'Asile montrait qu'à l'exception des critères de nationalisation, la France possède un régime de nationalité plus souple que la moyenne des pays de l’UE.

La droite allemande assouplie sa position

En Espagne et au Luxembourg s'est développé le principe de double droit du sol: pour qu'un enfant devienne espagnol ou luxembourgeois, il faut qu'au moins un de ses deux parents étrangers soit né sur le sol national. Quant à la législation belge, elle demande de nombreuses conditions aux parents étrangers: ils doivent faire une demande d'acquisition de la nationalité avant les 12 ans de leur enfant et prouver qu'ils habitent en Belgique depuis au moins 10 ans.

Si la majorité des pays a opté pour un mélange des deux principes, il n'y a finalement que l'Italie qui s'en tienne au droit du sang. Pour être italien, il faut naître d'au moins un parent italien. Le Premier ministre de gauche Romano Prodi avait bien tenté d'introduire une réforme en 2006. En vain. L'actuelle ministre de l'Intégration, Cecile Kyenge a essayé à son tour d'introduire "un droit du sol tempéré" pour donner, sous condition, la nationalité italienne à des enfants de parents étrangers. Mais face à l'opposition du populiste Bepe Grillo et de la droitière Ligue du Nord, elle a été contrainte de stroper son projet.

En Allemagne, le débat va même dans le sens inverse. Longtemps soumis au seul droit du sang, le pays devrait prochainement assouplir encore davantage les conditions d'obtention de la nationalité allemande. C'était l'un des points forts de la campagne du SPD lors des dernières élections. Même s'il a perdu le scrutin, le parti de gauche a réussi à convaincre Angela Merkel de faire figurer une nouvelle disposition dans le programme de coalition: les personnes de parents étrangers qui sont nées et ont grandi en Allemagne pourront avoir deux passeports, l'allemand et celui de leurs parents. Cela permettrait notamment aux enfants nés en Allemagne, de parents turcs, d'avoir la double nationalité à leur majorité. Longtemps réticent la CDU d'Angela Merkel a finalement accepté. Sur ce point au moins, la droite française n'est pas sur la même longueur d'onde que son homologue allemande.

12/12/2013, Alexandre BoudetPublication

Source : huffingtonpost.fr

 

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