samedi 28 décembre 2024 04:36

Elections européennes : les thèmes favoris de la droite populiste occupent le débat

L’immigration, la souveraineté nationale ou l’identité européenne occupent une place importante dans la campagne de plusieurs États membres. Mais le rejet de l’Europe n’est pas partagé par tous les pays.

Parfois, les eurodéputés s’épanchent et confient souffrir d’un manque de reconnaissance. Ils seraient des inconnus malgré l’importance de leur travail, des représentants éloignés des citoyens, les chevilles ouvrières d’une Europe impopulaire… Ces temps-ci, la campagne électorale fournit à certains d’entre eux une occasion supplémentaire de déplorer l’ingratitude de leur tâche.

« C’est une campagne très très dure, les candidats des partis traditionnels sont toujours priés de réagir par rapport aux positions du Front national, notamment dans les médias, estime le collaborateur d’une eurodéputée française. Or, comme le FN joue sur une méconnaissance du système européen, les candidats peuvent difficilement exposer leurs propositions. Ils doivent d’abord démêler le vrai du faux, puis expliquer ce que l’Union européenne peut faire ou non. »

Droitisation des opinions publiques

Teintée de désarroi, cette confidence fait écho à un constat partagé par plusieurs observateurs : les thèmes de prédilection du FN, comme l’immigration, « Schengen », l’identité européenne ou la souveraineté nationale, dominent le débat électoral au point de brosser un tableau réducteur de la situation de l’UE. Sujets parfois imposés aux candidats, dans le cadre d’un débat, avec force rhétorique par un représentant du parti d’extrême droite, ils sont aussi mis en avant par les partis traditionnels.

« Compte tenu d’une droitisation des opinions publiques, plus sensibles à des thèmes qui ont longtemps été uniquement portés par l’extrême droite, il existe une volonté des partis traditionnels de se positionner sur ces thèmes-là, explique Magali Balent, directrice des programmes et chercheuse à la Fondation Robert-Schuman. Ce ne sont pas des thèmes d’extrême droite, mais comme ils ont longtemps été abandonnés par les partis traditionnels, on les lui attribue. »

Pauvreté idéologique des partis traditionnels

Ainsi les partis traditionnels et l’extrême droite se retrouvent-ils à prendre des positions sur des sujets identiques. Quand le FN propose de sortir de l’espace Schengen, l’UMP propose de le réformer. Mais le programme du premier trouve plus d’écho que celui de la seconde. « Oui il y a un problème migratoire, oui, la question de l’identité de l’Europe se pose avec l’élargissement, mais sur ces sujets, le discours du FN porte plus parce qu’il est manichéen et parce que pour le déconstruire, on emploie tout un jargon inaudible, poursuit Magali Balent. Quant aux programmes des partis traditionnels, ils témoignent d’une pauvreté idéologique. »

Cette situation n’est pas propre à la France. Les thèmes de la droite populiste occupent le terrain dans les autres pays d’Europe où la mouvance a le vent en poupe à l’approche du scrutin européen. C’est le cas du Parti de la liberté aux Pays-Bas, crédité de 16,5 % des voix d’après le site de sondages Pollwatch, du Parti de la liberté en Autriche (sans lien avec le précédent), qui récolterait 20 % des suffrages.

Les partis traditionnels doivent légitimer le projet européen

« Si le phénomène a plus d’ampleur, le fait que des thèmes de l’extrême droite soient récupérés n’est pas nouveau, nuance Philippe Perchoc, chercheur en sciences politiques à l’université catholique de Louvain et enseignant au Collège d’Europe, à Bruges. Ce qui me frappe davantage, c’est que des partis traditionnellement pro-européens, qui avaient dépassé le clivage pour ou contre l’Europe, se remettent à légitimer le projet européen. Ils en reviennent à ce discours sur la paix garantie par l’UE. Mais le problème, c’est qu’auprès des jeunes générations, ce discours n’a plus d’effet mobilisateur. »

L’insatisfaction qui a gagné les Vingt-Huit ne se traduit pas partout par un rejet de l’Europe. Dans les pays qui ont connu une élévation de leur niveau de vie et une période de croissance, l’Europe apparaît encore comme positive. Née de la crise ukrainienne et des menaces russes, l’attente d’une plus grande solidarité entre les Vingt-Huit en vue d’une Europe de la défense occupe les débats de campagne en Pologne. Pour Philippe Perchoc, « à Varsovie, on ne demande pas moins, mais plus d’Europe ».

5/5/14, MARIANNE MEUNIER et NATHALIE VANDYSTADT

Source : La Croix

 

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