mardi 26 novembre 2024 02:44

Entre la Californie progressiste et l'Amérique de Trump, un gouffre abyssal

Ils s'attendaient à fêter la première présidente des Etats-Unis. Ils veulent aujourd'hui faire sécession. Pour les Californiens qui ont massivement voté en faveur de la démocrate Hillary Clinton, l'accession du populiste Donald Trump à la Maison Blanche symbolise le gouffre culturel qui les sépare du reste du pays.

Le scrutin "marque une réelle division" idéologique, remarque Kevin Klowden, l'un des responsables du centre de réflexion Milken Institute.

L'Etat le plus peuplé de l'Union, réputé pour son libéralisme en matière de moeurs, est à l'avant-garde du combat écologiste ou contre les armes à feu, pour les droits des homosexuels ou des femmes, et vient de légaliser la marijuana.

A l'inverse, Trump a été élu sur une campagne anti-immigrants, pro-armes, niant le changement climatique et parsemée de propos sexistes et xénophobes.

Signe de leur détresse, dès l'annonce du résultat de l'élection, les Californiens sont sortis par milliers, surtout des lycéens, étudiants ou Hispaniques, manifester dans les rues, les campus, devant les bâtiments fédéraux de Los Angeles, Berkeley ou ailleurs, en scandant "il n'est pas mon président".

Sur les réseaux sociaux, ils étaient légion, dont la chanteuse Katy Perry, à remplacer leur photo par un cadre noir en signe de deuil.

"Je ne peux m'identifier à l'intolérance, au sexisme et au racisme, je ne suis plus américain, je suis californien", écrivaient beaucoup d'entre eux.

"Prenons nos avocats, notre marijuana, et partons", résumait une internaute.

Le hashtag "Calexit", référence au vote britannique en faveur d'une sortie de leur pays de l'Union européenne (Brexit), faisait un tabac sur Twitter, appelant à faire sécession.

L'investisseur de la Silicon Valley Shervin Pishevar, un Irano-américain, a lancé une très sérieuse campagne pour que la "Californie devienne une nation à part".

Si la perspective d'une sécession reste fantaisiste, la Californie, mastodonte économique aux 39 millions d'habitants, est "déjà un peu comme un pays", remarque Mark Baldessare, directeur du centre de réflexion Public Policy Institute of California (PPIC).

Peuplée à majorité d'Hispaniques mais aussi d'immigrés du monde entier, son économie est aussi diversifiée que sa population.

Elle "offre des opportunités économiques bien plus vastes qu'ailleurs, entre Hollywood et l'industrie du divertissement, la Silicon Valley et la haute technologie, pas seulement une industrie manufacturière ou d'énergies fossiles", remarque Ann Crigler, professeure de sciences politiques à l'université de Californie du Sud (USC).

Son poids économique et ses 53 représentants à la Chambre des représentants lui donnent aussi un pouvoir d'influence massif au niveau fédéral.

Politiquement La Californie n'est toutefois pas homogène: comme ailleurs aux Etats-Unis, les villes côtières sont largement démocrates et progressistes, mais l'intérieur des terres est républicain.

Sous la présidence Trump, les Californiens peuvent craindre des revers sur le droit à l'avortement, le mariage gay, et peut-être une offensive contre les immigrés en situation irrégulière. Même si les expulsions sous le président Obama ont dépassé celles enregistrées sous le républicain George W. Bush.
Pour Kevin Klowden, l'économie de la Californie, qui est si ancrée dans la mondialisation, souffrirait particulièrement d'une guerre commerciale internationale, que pourrait déclencher le futur président, élu sur un programme protectionniste.

Le système fédéral, qui donne beaucoup d'indépendance aux gouvernements et aux parlements locaux, devrait toutefois aider la Californie à protéger sa culture et son économie.

Sans oublier la force de frappe idéologique de son industrie du divertissement, qui diffuse ses messages progressistes dans le monde entier à travers la création, l'humour, note Ann Crigler.

Même si l'élection de Donald Trump, qui veut lever les restrictions aux centrales électriques au charbon très polluantes, pourrait ralentir la lutte contre l'effet de serre dans un Etat longtemps confronté à un grave problème d'air irrespirable, les républicains sont soucieux d'environnement.

Mark Baldessare, du centre de réflexion PPIC, rappelle que c'est le gouverneur républicain Arnold Schwarzenegger qui a donné l'impulsion aux lois vertes, renforcées ensuite sous le démocrate Jerry Brown.
"La vrai question, c'est de savoir à quel point la prochaine administration sera conservatrice", et le futur vice-président Mike Pence pourrait faire pencher la balance encore plus à droite que le président sur les questions sociales, conclut-il.

10 nov 2016

Source : AFP

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