«Nous avons prévu un plan d’action pour favoriser l’intégration socioéconomique et culturelle des immigrés régularisés»
Le Matin : Qu'est-ce qui a motivé le lancement de l’opération de régularisation de la situation des immigrés ?
Anis Birou : Je pense que pour vous répondre il faudra revenir sur le processus ayant précédé le lancement de cette opération. En effet, S.M. le Roi Mohammed VI, après avoir examiné le 9 septembre dernier, le rapport thématique du CNDH relatif à la situation des migrants et des réfugiés au Maroc, a présidé le jour suivant, une séance de travail consacrée à l'examen des divers volets relatifs à la problématique de l'immigration. Deux mois après cette réunion, l’opération est lancée pour décliner la volonté royale visant la mise en place d’une politique d’intégration globale et intégrée. Rappelons que le rapport du Conseil national des droits de l’Homme avait souligné que le Royaume n’était plus seulement un pays de transit, mais aussi un pays d’accueil de migrants venus d’autres pays que l’Afrique subsaharienne.
Quel dispositif avez-vous mis en place pour garantir le bon déroulement de cette opération ?
Nous avons mis en place un dispositif assez important pour garantir le déroulement de cette opération qui vient donc décliner les très hautes orientations royales relatives à la nouvelle politique migratoire du Royaume dans les meilleures conditions. Ce dispositif repose en effet sur la mise en place de 83 «bureaux des étrangers» afin de recevoir et valider les demandes de régularisation. Ces structures qui ont été dotées de moyens humains et matériels nécessaires ont été placées au niveau de chaque préfecture et province du Royaume. L’État a aussi mobilisé plus de 2 000 cadres qui ont bénéficié d’une formation spéciale pour superviser cette opération de grande envergure.
À combien est estimé le budget alloué à cette opération ?
Comme je vous l'ai déjà dit, le Maroc en lançant cette opération avait prévu tous les moyens financiers et humains nécessaires à sa réalisation. Il faut savoir aussi que nous avons reçu plusieurs propositions de financements d’organisations internationales et de différents pays. En effet, l’initiative marocaine n’est pas passée inaperçue au niveau international. Cette stratégie élaborée et qui vient traduire les orientations royales a été accueillie favorablement par les gouvernements et les chancelleries de par le monde, les organismes internationaux et onusiens, ainsi que par des ONG œuvrant dans le domaine des droits de l'Homme ou de l'aide aux populations émigrées. Ainsi, des pays comme le Niger, le Sénégal, le Gabon et le Burkina Faso ainsi que d’autres organisations mondiales, comme l’Union européenne, les Nations unies et l’Organisation internationale des migrants ont félicité le Royaume pour avoir lancé une telle opération.
Sur quoi vous êtes-vous basés pour définir les critères d’éligibilité ?
D’abord, il faut savoir que le Maroc a examiné les différentes opérations du genre engagées au niveau de l’Europe. Et après étude de différentes expériences, il a opté pour des critères d'éligibilité plus flexibles que ceux imposés par d'autres pays d'accueil de migrants, notamment en Europe. Nous avons en effet accordé la priorité à l’intérêt du migrant de sorte que ce dernier puisse accéder, une fois sa situation régularisée, aux mêmes droits et obligations que les Marocains.
Quel est le nombre d’immigrés illégaux éligibles ?
Selon notre estimation, le nombre d’immigrés illégaux se situe entre 35 000 à 40 000 issues de pays subsahariens, mais également d'autres pays du monde. Mais leur nombre peut aller au-delà de cette estimation.
Cette opération de régularisation permettra donc aux immigrés qui sont jusqu’à ce jour en situation d’irrégularité d’accéder aux droits sociaux au même titre que les Marocains. Quelles sont les mesures mises en place justement pour garantir la réussite de cette intégration ?
Effectivement, nous avons prévu de mettre en place un plan d’intégration pour permettre aux immigrés illégaux de bénéficier de tous leurs droits une fois leur situation régularisée. Ce programme s’appuie sur plusieurs dimensions, notamment la dimension culturelle, éducative, économique, sociale et même sanitaire. Le but est de garantir aux bénéficiaires de cette opération non seulement une vie décente sur cette terre d’accueil, mais une vie agréable. Il ne faut pas oublier que cette opération sera menée en étroite collaboration avec les associations nationales actives dans le domaine de la promotion et de la protection. Ces associations seront mises à contribution pour assister les personnes concernées par les opérations de régularisation, mais aussi pour sensibiliser l’opinion publique à l’importance de la réussite de cette opération et le rôle que pourra jouer chaque Marocain dans l’intégration de cette communauté au sein de la société marocaine.
5 janvier 2014, Y.A.
Source : lematin.ma