mercredi 25 décembre 2024 08:27

États-Unis : expulsez ces enfants migrants que je ne saurais voir

Fuyant les gangs qui sévissent chez eux, des milliers de mineurs d'Amérique centrale franchissent chaque jour le Rio Grande. L'occasion pour les républicains de fustiger la politique migratoire d'Obama.

Cinquante-sept mille. C'est le nombre record d'enfants et d'adolescents d'Amérique centrale arrivés seuls et illégalement aux États-Unis depuis octobre 2013. À l'origine de cet exode, l'insécurité chronique qui sévit au Honduras et au Salvador, d'une part, et la grande pauvreté qui ronge le Guatemala, d'autre part - à eux seuls, ces trois pays "fournissent" trois quarts des jeunes migrants concernés.

Selon le département américain de la Sécurité intérieure, plus de 2 200 mineurs ont ainsi fui, entre janvier et mai, la ville la plus dangereuse au monde selon l'ONU : San Pedro Sula, dans le nord-ouest du Honduras. Seul moyen pour eux d'échapper à la violence des gangs. Au Salvador, le tableau n'est pas plus reluisant : les meurtres d'enfants et d'adolescents âgés de moins de 18 ans ont, selon le New York Times, augmenté de 77 % entre 2013 et 2014.

Une autre explication, complémentaire, de cette vague d'immigration est le traitement préférentiel accordé par les États-Unis aux mineurs venant de ces pays d'Amérique centrale - notamment par rapport à ceux du Mexique. Une loi de 2008, signée par le président George W. Bush et destinée à lutter contre le trafic d'enfants, rend en effet plus difficile l'expulsion de mineurs isolés provenant de pays n'ayant pas de frontières avec les États-Unis. L'administration Bush n'avait bien sûr pas prévu un tel afflux de migrants... aujourd'hui instrumentalisé par le camp républicain pour dénoncer l'incurie de la Maison Blanche.

Militarisation de la frontière sud des États-Unis

Avec à leur tête Rick Perry, le gouverneur ultraconservateur du Texas - principal État d'arrivée des mineurs -, ils accusent l'administration Obama d'être incapable de sécuriser les frontières. Pure mauvaise foi, alors que près de 2 millions de sans-papiers ont été expulsés depuis 2009 ! Quant à Sarah Palin, qui observe le problème de son lointain Alaska, elle a même demandé l'impeachment de Barack Obama pour sa mauvaise gestion de la crise. Pour boucler la boucle, les républicains réclament l'abrogation pure et simple de la loi de 2008.

Mais le Grand Old Party ne se contente pas de tirer à boulets rouges sur une mesure adoptée quand il était au pouvoir. Le projet de réforme de l'immigration du président Obama, validé par le Sénat (dominé par les démocrates) et qui vise notamment une militarisation accrue de la frontière sud des États-Unis (plus de patrouilles, plus de drones...), est aussi dans son collimateur. Et pour cause : il prévoit la régularisation des 11 millions de sans-papiers du pays, ce que refuse la Chambre des représentants, aux mains des républicains.

Ceux-ci s'opposent également au plan d'urgence de 3,7 milliards de dollars (environ 2,7 milliards d'euros) présenté début juillet par la Maison Blanche pour répondre à ce qui est d'abord, selon les mots du président, "une crise humanitaire urgente". Ces fonds, s'ils étaient débloqués, permettraient de nommer davantage de juges pour statuer sur le sort des migrants, d'améliorer les conditions de détention dans les centres disposés le long du Rio Grande, mais aussi de hâter l'expulsion vers leur pays d'origine des mineurs accompagnés d'adultes.

Manifestations anti-immigration

Très peu de voix s'élèvent d'ailleurs pour que ces jeunes bénéficient de l'asile aux États-Unis, malgré les dangers qu'ils encourent dans leur pays. Lors d'une visite au Texas le 8 juillet, Barack Obama lui-même a jugé "improbable que ces mineurs puissent rester sur le territoire national".

L'hystérie, alimentée par les républicains, est en train de l'emporter sur toute autre considération. Alors que certains demandent l'envoi de la garde nationale à la frontière texane, des manifestants anti-immigration ont bloqué en Californie les bus qui y acheminaient des mineurs depuis le Texas, dont les structures d'accueil étaient submergées. Ou comment le sort des 57 000 enfants perdus de l'Amérique centrale révèle le visage le plus hostile des États-Unis.

30/07/2014, Jean-Éric Boulin

Source : Jeuneafrique

 

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