samedi 28 décembre 2024 11:07

France : Les immigrés pourront envoyer de l’argent à l’étranger depuis les bureaux de tabac

C'est une première en France et ce service d'un genre nouveau pour un buraliste devait être inauguré, mercredi 9 juin, par MoneyGram, numéro deux mondial du transfert d'argent derrière Western Union.

L'initiative, qui doit être multipliée dans les semaines à venir, est une petite révolution sur le marché très convoité de l'envoi d'argent à l'international. Ces services sont principalement utilisés par les migrants: selon le ministère de l'immigration, qui soutient l'opération, quelque 8 milliards d'euros ont transité entre la France et leurs pays d'origine en 2009. Ce flux a progressé de 10% en moyenne par an depuis 2002 et il représente jusqu'à 20% du PIB de certains Etats comme les Comores.

Jusqu'à présent, Western Union était en situation de quasi-monopole en France. La société bénéficie d'un partenariat avec la Banque postale depuis 1994 qui lui permet d'être présente dans 6000 agences réparties sur tout le territoire. Pour contrer l'offensive de MoneyGram, Western Union a annoncé, le 2 juin, une baisse de ses commissions allant jusqu'à 20 % sur certains envois, initiative qui a reçu le soutien du ministre de l'immigration, Eric Besson.

PRESSION INTERNATIONALE

Money Gram vient donc remettre un peu de concurrence où il en manquait. Une offre rendue possible grâce à la transposition d'une directive européenne de 2007 libéralisant les services de paiements. Entré en vigueur en novembre 2009, ce texte permet aux buralistes volontaires d'obtenir le statut "d'établissement de paiement".

Les initiatives de Western Union et MoneyGram s'inscrivent dans un contexte de pression internationale. Au sommet du G8 de L'Aquila (Italie), en juillet 2009, les chefs d'Etat et de gouvernements s'étaient en effet engagés à réduire les coûts de transferts de fonds des migrants de moitié en cinq ans. A l'automne 2009, la Banque mondiale a aussi pointé la France du doigt pour ses tarifs alors parmi les plus élevés au monde.

Le ministère de l'immigration s'est rapidement greffé sur les initiatives à l'étude de Western Union et MoneyGram, y voyant une façon, à deux ans de l'élection présidentielle, de tenter de redorer son image, ternie par sa lutte contre l'immigration irrégulière. Il vise aussi à cajoler un peu les buralistes tout en séduisant plus directement l'immigration "régulière", soit les diasporas.

Les principaux pays de destination des transferts d'argent correspondent en effet aux flux migratoires. L'Afrique représente ainsi le plus gros volume d'envois de fonds de la France vers l'étranger, se classant même devant l'Asie. Selon MoneyGram, le pays qui arrive en tête des transferts est le Maroc, suivi du Sénégal, du Cameroun et de la Côte d'Ivoire. Le Mali, en revanche, dont la diaspora est pourtant très nombreuse, est moins bien placé. La faute, selon l'opérateur, au "trafic informel".

MANQUE DE CONFIANCE

Et c'est là tout l'enjeu et la limite de ce marché des transferts d'argent des migrants. Plus de la moitié des envois échapperait aux réseaux officiels, passant de la main à la main ou via le système de "hawala" (qui permet l'échange de fonds sans mouvement interbancaire). Le manque de confiance et le coût prohibitif des commissions des opérateurs sont les paramètres les plus dissuasifs: selon la Banque mondiale, il faut compter en France entre 13% et 16% de commissions pour 140 euros envoyés.

Un site Internet comparateur de prix  a bien été réactualisé début juin pour permettre aux migrants de mieux faire jouer la concurrence, mais beaucoup sont originaires de pays et de zones rurales où la présence des banques est très faible. Des solutions comme le transfert d'argent par téléphonie mobile sont de plus en plus à l'étude, comme celle de Maroc Telecom, qui s'est engagé à fournir une offre d'ici juin 2011.

Reste l'usage de cet argent. La plupart des sommes envoyées servent à la consommation courante: alimentation, logement, fêtes religieuses… Dans un contexte de baisse de l'aide au développement, de plus en plus d'institutions, en France comme à l'étranger, y voient là une nouvelle forme possible de codéveloppement. En attendant, les buralistes seront là.

Source : Le Monde

10/06/2010

 

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