mercredi 27 novembre 2024 16:41

France : Négociations pour transformer une caserne en mosquée

Le futur lieu de culte parisien, qui accueillerait 2700 fidèles dès le 16 septembre, suscite des réticences.

La transformation annoncée d'un garage désaffecté des sapeurs-pompiers en mosquée accueillant les musulmans des quartiers nord de Paris fait l'objet de négociations âpres et feutrées. Jeudi matin, sans renfort de publicité, des hauts fonctionnaires de la Préfecture de police, le grand recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, et plusieurs responsables religieux - dont l'influent imam de la mosquée de la rue Myrha , dans le XVIIIe arrondissement, le cheikh Salah Hamza - ont fait une nouvelle visite des lieux afin de trouver une solution concertée. Pendant près de deux heures, le vaste hangar au toit voûté a été inspecté avec soin. Planté sur le boulevard Ney, le bâtiment, qui ouvrirait ses portes dès la fin du ramadan, le 16 septembre, vise avant tout à offrir un lieu de culte enfin digne de ce nom aux nombreux fidèles des mosquées des rues Myrha et Polonceau qui occupaient, il y a encore peu de temps, la voie publique pour prier à l'occasion des grandes prières du vendredi après-midi. Sur le papier, l'équation est simple. Elle passe d'abord, aucun des protagonistes du dossier n'en disconvient, par la stricte observation, rappelée par le Conseil d'État, de la loi de 1905 sur la séparation entre l'Église et l'État. Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a réaffirmé le premier que «les prières de rue, c'est quelque chose qui n'est pas acceptable, directement attentatoire au principe de la laïcité». «Il faudra que ça cesse», a-t-il martelé. Après avoir recherché pendant des mois un lieu approprié , la Préfecture de police a opté pour l'ancienne caserne du boulevard Ney. «Le lieu, inoccupé depuis quatre ans, se situe à 500 mètres à peine de deux stations du métro, précise un fonctionnaire. La proximité d'un centre laïque d'hébergement de nuit pour sans-abri ne pose pas de problème car l'islam a une tradition d'aide envers les pauvres et le site sera accessible par deux voies d'accès distinctes».

Abritant deux salles d'une superficie respective de 1200 et 800 m², l'endroit peut accueillir 2700 fidèles. Soit 700 de plus que ceux qui se regroupaient chaque fin de semaine dans les rues du quartier de la Goutte d'Or. «L'État, très à l'écoute de la population musulmane, sait pertinemment que l'on n'installe pas un lieu de prières, qui touche à l'intime et à la sacralité, comme on organise un bal populaire, prévient Dalil Boubakeur. Certains représentants des fidèles émettent encore quelques réserves. Nous sommes encore en phase exploratoire.» Parmi les points épineux évoqués figure la configuration même des lieux, dont une partie du plafond, élevé, poserait des problèmes de chauffage et de climatisation. Par ailleurs, l'orientation du bâtiment, qui n'est pas dans le sens sud/sud-est en direction de La Mecque, suscite aussi des réticences.

Une fonction cultuelle provisoire

Enfin, le projet est censé faire coexister sous le même toit les pratiquants maghrébins de la mosquée Khalid Ibn Walid de la rue Myrha et les adeptes de confréries africaines Tijâniyya ou Mourides, qui fréquentent la mosquée voisine de la rue Polonceau. «Les deux rites sont différents, mais la Mosquée de Paris est prête à trouver une solution pour débloquer la situation, confiait jeudi au Figaro Dalil Boubakeur. L'idée de nommer un imam commun et consensuel, qui gérerait l'ensemble du lieu de culte, est envisageable.» La facture des travaux de la mise en sécurité du site et de son loyer, aussi objets de débats, sont entièrement à la charge des associations cultuelles. «L'État français est un État laïque et il ne lui appartient pas d'être l'instrument de l'organisation d'une pratique religieuse », a insisté Claude Guéant.

Selon nos informations, les pouvoirs publics n'ont recensé que 11.000 places dans les mosquées et lieux de prière de la capitale, où pratiquent environ 90.000 fidèles. «C'est insuffisant et nous nous mobilisons pour trouver des lieux», concède un haut fonctionnaire. La future destination religieuse de la caserne du boulevard Ney ne sera que provisoire. Dès 2013, l'Institut des cultures d'islam offrira 2.500 places supplémentaires aux fidèles.

12/8/2011,  Christophe Cornevin

Source : Le Figaro

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