lundi 25 novembre 2024 07:42

Identité, immigration et richesse nationale

Je n'entends pas ici participer au débat sur l'identité nationale, voulu par le président de la République, Nicolas Sarkozy, et organisé par le ministre de l'immigration, Eric Besson. Il peut être utile, en revanche, de dissiper quelques idées reçues sur l'immigration qui, quoi que l'on en dise, en est le véritable enjeu.

L'immigration profite aussi aux pays d'accueil. Cela est évident pour l'immigration des personnes très qualifiées. Dans un article à paraître dans le Journal of the European Economic Association, Jennifer Hunt et Marjolaine Gauthier-Loiselle ont montré, à partir de données américaines, que les immigrés diplômés de l'université déposaient deux fois plus de brevets que les diplômés natifs.

Un accroissement d'un point du pourcentage d'immigrés diplômés du supérieur dans la population totale se traduit par une augmentation du nombre de brevets par habitant de l'ordre de 15 %. L'immigration est donc un moteur puissant de l'innovation.

Mais les immigrés diplômés ne sont pas les seuls à enrichir les pays d'arrivée. Un immigré qui s'installe, c'est un emploi qui est créé dans le pays d'accueil. C'est le constat auquel ont abouti Francesc Ortega et Giovanni Peri au terme d'une analyse détaillée de l'impact de l'immigration sur l'emploi entre 1980 et 2005 dans quatorze pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), dont la France ("Document de travail du National Bureau of Economic Research" - NBER, avril 2009).

Non seulement l'immigration ne menace pas l'emploi des natifs, mais l'ajustement à la hausse des investissements correspondant à la création d'un emploi occupé par un immigrant se fait presque instantanément. Ainsi, le produit intérieur brut (PIB) croît au même rythme que l'immigration.

Mais peut-être l'arrivée de travailleurs immigrés (notamment peu qualifiés) entraîne-t-elle une baisse des salaires ? Une étude menée par l'économiste Giovanni Peri à partir de données concernant les Etats-Unis entre 1960 et 2006 ("Document de travail du NBER", novembre 2009) montre qu'il n'en est rien, au contraire. Une augmentation de 1 % de la part des travailleurs immigrés dans la population active accroît de 0,5 % le revenu moyen des travailleurs natifs. Cette augmentation profite essentiellement aux plus qualifiés, les salaires des travailleurs les moins qualifiés n'étant que très légèrement affectés. Ces résultats viennent confirmer une littérature abondante.

Bien que les bénéfices directs de l'immigration pour les pays d'accueil soient donc substantiels, les citoyens de la plupart des pays européens sont massivement hostiles à l'immigration. C'est le cas en France. Selon la dernière enquête disponible de l'International Social Survey Program (2003), 57 % des Français souhaitent une restriction de l'immigration (7 % souhaitant son développement).

Ce constat a conduit le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) à insister, dans son dernier "Rapport mondial sur le développement humain", sur la nécessité de "rassurer les autochtones, de façon à ce qu'ils ne perçoivent plus l'immigration comme une menace à leur personne ou à leur société".

Il suggère aux gouvernements de "déployer davantage d'efforts pour influencer le débat public au moyen de processus dont l'objectivité et la fiabilité ne pourront pas être remises en cause", et souligne qu'ils ont "fort à gagner des conseils techniques dispensés par des organes spécialisés (...). Afin d'être considérés comme impartiaux, ces organes devront délibérément se tenir à distance de l'administration". C'est peu dire que le débat organisé par l'exécutif français ne répond pas à ces exigences.

Source : Le Monde

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