vendredi 27 décembre 2024 09:19

Immigration : Boston, capitale anglaise du chou et de l'immigration est-européenne

En 2011, le recensement d'une bourgade du nord-est du Royaume-Uni a révèlé le plus gros afflux d'immigrés d'Europe de l'Est du pays, en proportion de la population de la ville.

De Boston (Lincolnshire), des générations d'émigrants sont partis. Ils ont fondé la ville du même nom en Nouvelle-Angleterre qui a éclipsé l'originale. À part le plus haut clocher du pays, la bourgade du nord-est de l'Angleterre, sa capitale du chou, n'avait rien de bien remarquable. Jusqu'à ce que le recensement de 2011 révèle l'arrivée sur place du plus gros afflux d'immigrés d'Europe de l'Est du pays, en proportion de sa population.

En 2001, 249 Allemands formaient le contingent étranger le plus important de Boston. Dix ans plus tard, la population totale avait augmenté de 15 %, et 8.000 des 64.000 habitants provenaient d'un des nouveaux entrants dans l'Union européenne. Des Polonais (3.000 environ), des Lituaniens, des Estoniens et des Roumains principalement, attirés par des emplois dans l'agriculture et l'industrie agroalimentaire.

Le long de la rue principale, West Street, à gauche de la gare, le changement saute aux yeux. Les supermarchés Baltic Food ou Euro Booze and Food, des boulangeries polonaises et lituaniennes, un restaurant polonais affichent leurs enseignes en version originale, entre les pubs et les salons de coiffure traditionnels. Martin Turowski vient d'ouvrir Basia's Pantry qui vante fièrement sa «domova pekarina»: boulangerie maison. Il a quitté les rives baltiques de la Pologne pour travailler un an en Angleterre en 2008. Après quelques mois en Allemagne, il est revenu comme ouvrier dans une usine de soupes et de sauces à Boston avant de créer sa boutique, à 34 ans. En achetant pain et brioches, ses clients parlent polonais. «C'est la majorité, mais j'ai aussi des clients anglais. Ils sont gentils, ça se passe bien», témoigne Martin, dans un anglais hésitant. En revanche, reconnaît-il, «c'est plus tendu avec les autres commerçants.»

Un peu plus loin, Mavis Ashton profite d'un rayon de soleil pour griller une cigarette devant son magasin de moquette. Quarante-deux ans qu'elle y officie. «Je vais voter Ukip (United Kingdom Independence Party) aux européennes, annonce sans détour la commerçante. Nous sommes dépassés par les immigrés. Je n'ai rien contre eux, certains sont très gentils, mais ils sont trop nombreux. Boston était un charmant petit bourg anglais. Ça ne sera plus jamais le cas. Les Anglais quittent la ville.» Les récriminations sont nombreuses: Les immigrés prennent les jobs des locaux, rachètent commerces et maisons. Ils parlent leur langue dans la rue et y boivent, quand ils n'urinent pas sous les yeux des enfants. Sans oublier les bagarres au couteau et même «six meurtres en deux ans».

Un champ de bataille

Longtemps, les autochtones ont serré les dents et gardé pour eux un ressentiment latent contre les nouveaux arrivants. Puis un jour de 2011, ça a explosé. Littéralement. Une cigarette a fait sauter une distillerie clandestine de vodka, tuant cinq immigrés sur le coup. «Cela a été un détonateur. Les gens ont exprimé leur colère contre une situation jugée hors de contrôle. Et Boston est devenue le champ de bataille de toutes les polémiques sur l'immigration», raconte Mike Gilbert, conseiller municipal conservateur en charge des communautés. Surfant sur l'événement, les partis d'extrême droite ont organisé sur place des manifestations anti-immigration, l'extrême gauche des contre-manifs. Aux élections locales de 2013, le parti souverainiste Ukip a balayé la majorité conservatrice du Lincolnshire, en obtenant seize élus. Le comté est devenu l'un des fiefs de l'Ukip.

L'un des nouveaux édiles, Chris Pain, entré depuis en dissidence avec l'Ukip, se présente aux européennes sous la bannière Independence from Europe. «L'immigration de masse a dévasté la région, se lamente-t-il. Les salaires sont tirés vers le bas. Les patrons préfèrent employer des immigrés sous-payés à couper des choux, plutôt que d'embaucher des Anglais. C'est faux de dire que les Anglais ne veulent pas de ces jobs, ils ne sont même pas reçus! Ces gens s'entassent à six dans des caravanes, ou à quinze dans des maisons en occupant les lits en 3 × 8, et ils obtiennent des logements sociaux au nez et à la barbe des locaux. Leurs enfants ne parlent pas un mot d'anglais et font baisser le niveau dans les écoles. La criminalité s'est envolée.»

Selon Mike Gilbert, le tableau n'est pas aussi noir et la réalité diffère des fantasmes véhiculés par certains. «La situation s'est apaisée, dit-il. Les gens ont beaucoup débattu sur l'immigration, qui est la conséquence d'une équation économique particulière. La moitié de notre activité provient de l'agriculture. Autrefois, des saisonniers irlandais venaient travailler dans les champs et repartaient. Puis, sont arrivés les Portugais, et ensuite les Européens de l'Est qui sont restés, et occupent des emplois précaires que les Anglais ne sont pas encouragés à prendre à cause de l'État-providence.»

De toute façon, le chômage à Boston ne dépasse pas 1,6 %, alors qu'il vient de diminuer à 6,8 % au plan national. Et les immigrés s'intégreraient peu à peu. Certains d'entre eux s'inquiètent même désormais de voir leurs enfants devenir «trop anglais».

Source: maglor.fr

 

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