Le saviez-vous ? Il y a 10 jours à peine, six personnes dont un enfant ont péri au large de la Turquie, lors du naufrage d'une embarcation transportant des migrants clandestins à destination de la Grèce. Et quelques jours plus tôt encore, ils étaient deux fois plus, au moins douze réfugiés à perdre la vie après le naufrage de leur embarcation en mer Ionienne. Autrement dit, deux mois après la tragédie de Lampedusa qui avait fait 339 morts et quand bien même l'ensemble des dirigeants européens avaient déclaré en chœur à l'époque « plus jamais ça », les drames de l'immigration clandestine se répètent inlassablement.
La semaine dernière, pour lutter contre le trafic des réfugiés en Méditerranée, la Commission européenne a tout de même préconisé une batterie de mesures. La toute première passe par un renforcement des patrouilles en mer et dans les airs pour repérer, intercepter ou au besoin, secourir les embarcations transportant les migrants clandestins. La Commissaire aux affaires Intérieures prône également la conclusion d'accords avec les pays de départ ou de transit des migrants pour les faire intercepter avant qu'ils ne prennent la mer. Enfin, dernière recommandation, une solidarité accrue entre les Etats de l'UE pour accueillir les demandeurs d'asile et réinstaller les réfugiés les plus vulnérables.
En revanche, assez curieusement, elle n'a pas évoqué le fil de fer barbelé pourtant très en vogue actuellement pour garder les réfugiés au loin. Tandis que jusqu’à 3 millions de réfugiés syriens cherchent actuellement à fuir la guerre, l’Union Européenne n'a rien trouvé de mieux en effet que d'ériger des barrières barbelées, précise le journal danois JYLLANDS POSTEN. Plus de 10 kilomètres, par exemple, érigés le long de la frontière gréco-turque. Et quelques 30 kilomètres construits à la frontière entre la Turquie et la Bulgarie. Depuis quelques jours, la presse espagnole et marocaine fait état elle aussi de l’établissement prochain de barbelés entre le Maroc et l'Algérie. Enfin dans l'enclave espagnole de Melilla, là, des barbelés dotés de petites lames tranchantes qui provoquent de profondes coupures pour quiconque essaie d'escalader la clôture, ont été installés sur les grillages ou plutôt réinstallés, car ils avaient déjà été mis en place en 2005, sous le gouvernement socialiste de Zapatero, avant d'être enlevées deux ans plus tard grâce aux protestations d’ONG espagnoles et internationales. Bien entendu, admet aussitôt l'éditorialiste madrilène d'EL PAIS, les pays ont le droit de contrôler leurs frontières, dit-il, mais premièrement les migrants ne sont pas des ennemis et deuxièmement, les gouvernements ne doivent pas recourir à des méthodes inhumaines, à seul dessein de ne pas être taxés de faiblesse dans leur gestion de l'immigration irrégulière.
Fort heureusement, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. Ainsi et si vous êtes riches, alors là de multiples solutions s'offrent à vous pour circuler librement dans l'espace Schengen. Depuis un mois et pour la modique somme de 650.000 euros, précise le TIMES OF MALTA, les non-ressortissants de l'Union européenne peuvent désormais acquérir la nationalité maltaise sans même avoir à vivre sur l'île. Pour faire taire les mauvaises langues, on annonce que chaque candidature sera dûment contrôlée. Toujours est-il que Malte est bien devenue aujourd'hui le seul pays de l'espace Schengen à monnayer ouvertement sa nationalité.
Car les autres pays européens, eux, ont recours en réalité à des subterfuges plus astucieux. En Lettonie par exemple, précise le site MYEUROP, un titre de séjour de cinq ans renouvelable peut être accordé aux étrangers s'ils investissent dans le secteur immobilier. Ce document vous permettra ensuite de circuler sans encombre dans l'espace Schengen, vous ou votre épouse ainsi que vos enfants s'ils sont mineurs. La citoyenneté la plus chère, elle, se paie à Londres. La nationalité britannique est en effet plus facilement accordée à celui qui déboursera un million de livres sterling en obligations d'État. Et l'on pourrait ainsi multiplier les exemples. De l'argent contre un visa gold Schengen, voilà en somme ce que proposent désormais les gouvernements de Grèce, d'Espagne, de Hongrie et du Portugal pour attirer les capitaux étrangers, ce qui leur permet non seulement de contourner les lois européennes sur l'immigration et les demandes d'asile, précise DER SPIEGEL, mais laisse également songeur au plan éthique. En clair, tandis que la forteresse Europe ferme hermétiquement ses portes à des milliers de réfugiés pauvres, lesquels se noient n'ayant pas les moyens de se mêler à ce jeu méprisant pour le genre humain, simultanément, Russes, Chinois ou Arabes fortunés acquièrent, eux, aisément un droit de séjour en Europe.
D'où la conclusion signée du portail grec d'information TVXS. L'UE devrait avoir honte, dit-il, de sa politique erronée en matière de réfugiés. Celle-ci ne fait que reproduire les tragédies humaines. Or une forteresse qui s'isole sans s'intéresser à ce qui se passe autour d'elle est l'artisan de sa propre destruction. Car c'est une dangereuse illusion que de croire que l'Europe vieillissante, mais encore riche, pourra rester un îlot de prospérité dans un océan de souffrance. Même si l'Europe devait rester un paradis inaccessible, il ne lui sera pas si simple de se protéger de ces vagues d'immigration et de l'instabilité des pays du Sud. Et si ces régions du monde restent privées de croissance et de démocratie, alors l'Occident sera tôt ou tard sanctionné pour avoir concentré les richesses sans y avoir fait participer les autres.
09.12.2013, Thomas CLUZEL
Source : franceculture