Une convention débattra jeudi du raccourcissement des procédures et de la réduction du regroupement familial.
L'intitulé de la convention que tient jeudi l'UMP résume son objectif: «Politique de l'immigration: reprenons le contrôle!» «L'immigration est une question trop sérieuse pour être laissée aux apprentis sorciers de la gauche et aux démagogues d'extrême droite», peut-on lire en introduction du document dont Hervé Mariton a coordonné la rédaction. Pour le délégué général au projet de l'UMP, «il ne s'agit pas de remettre en question le droit d'asile, qui est une valeur en soi, mais au contraire de le restaurer en réformant un système totalement dévoyé».
La lenteur des procédures d'examen des dossiers des demandeurs d'asile est la cause principale de l'augmentation de l'immigration clandestine. Auteur d'un rapport sur le sujet, le sénateur des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi, a compilé les chiffres: «Sur les quelque 80.000 demandes enregistrées cette année, 15.000 à 17.000 seront satisfaites. Environ 10.000 déboutés repartiront d'eux-mêmes ou seront expulsés, et 60.000 deviendront immigrés clandestins.»
Pour y remédier, un seul et même organisme statuerait en première instance sur la demande d'asile et prononcerait l'expulsion en cas de rejet de cette demande. Dans le cas où le débouté ferait appel, l'UMP propose d'«expérimenter dans certaines régions le renvoi du contentieux du droit d'asile vers les cours administratives d'appel» plutôt que vers la Cour nationale du droit d'asile, dont le délai moyen d'instruction est de dix mois. «Si l'expérience fonctionne, explique Hervé Mariton, on pourrait la généraliser en créant des chambres spécialisées dans les cours administratives d'appel.» Pendant les trois mois maximum durant lesquels le recours serait instruit, le demandeur serait «assigné à résidence». L'UMP estime que l'ensemble de la procédure d'asile pourrait ainsi être limité à six mois.
Double peine ressuscitée
Ultraprésentes dans le domaine de l'asile, les associations constituent, selon Hervé Mariton, «davantage un problème qu'une solution». Plus les procédures traînent, plus leur rôle se justifie. Ce sont elles, par exemple, qui versent certaines allocations aux demandeurs. L'UMP souhaite que la création de l'agence unique permette à l'État de recommencer à exercer ses prérogatives. Elle préconise aussi le durcissement des conditions d'attribution de ces allocations et aides diverses. Comme plusieurs députés UMP l'avaient déjà proposé, l'Aide médicale aux étrangers (réservée aux immigrés en situation irrégulière) serait réduite aux «cas d'urgence humanitaire».
Jeudi, le parti ira plus loin pour «rendre la France moins attractive» en prescrivant que les allocations de logement ou familiales ne puissent être versées «qu'à la condition d'un séjour régulier sur le territoire d'au moins deux années». Le prix des visas serait augmenté pour «réduire l'immigration subie mais aussi son coût». Quant à l'obtention d'un visa court «en provenance de pays d'émigration importants», elle serait conditionnée au versement d'une «caution-retour», ce qui permettrait de vérifier que les visiteurs ne se sont pas transformés en clandestins.
Autre originalité: le texte ressuscite la double peine, c'est-à-dire l'expulsion des délinquants étrangers, supprimée par Nicolas Sarkozy. Il prône aussi la réduction du regroupement familial. Une présence régulière de 24 mois sur le territoire - au lieu de 18 - serait exigée, ainsi qu'une maîtrise réelle «du français et des valeurs de la République». En prime, les candidats au regroupement devraient participer financièrement à leur apprentissage. Ce dernier chapitre risque d'être le plus âprement discuté jeudi, de même que l'alignement des conditions de rapprochement pour la famille étrangère d'un Français sur le régime général du regroupement familial. Mardi matin, au comité politique de l'UMP, des participants ont protesté contre une mesure qui concernerait principalement les Français d'origine maghrébine.
Hortefeux : « L'acquisition de la nationalité française ne doit plus être automatique »
Interview - Brice Hortefeux, député européen, ancien ministre de l'Immigration de 2007 à 2009, critique la politique du gouvernement en la matière.
Le Figaro. - Quel bilan tirez-vous de la politique du gouvernement en matière d'immigration?
Brice Hortefeux. - Le gouvernement fait preuve d'une véritable tartufferie. Car derrière les mots se cache la faiblesse des actes: moins de contrôles (- 6,8 % en un an), moins de reconduites de clandestins (- 40 % sur les huit premiers mois de 2013), moins de réseaux traqués (- 6,3 %), et même une baisse de 62,4 % des interpellations d'étrangers en situation irrégulière en un an. Parallèlement, l'aide médicale d'État (AME) profite à 270.000 personnes en 2013, soit 50.000 de plus qu'en 2012, les demandes d'asile et leur coût explosent puisque les seuls frais d'hôtel représentent 125 millions d'euros en 2012. Et les régularisations d'étrangers entrés illégalement augmenteront de 40.000 avec la circulaire du 28 novembre 2012. Voilà le bilan catastrophique du gouvernement! Ouvrir les vannes de l'immigration, surtout en période de crise, conduit inéluctablement à l'exclusion et au repli communautaire.
Quelles solutions préconisez-vous?
Nous devons avancer avec trois principes clairs, justes et fermes. D'abord, la France a le droit de choisir librement qui elle veut et peut accueillir sur son territoire. Ensuite, un étranger qui vient clandestinement sur notre sol doit être reconduit, sauf situation politique, religieuse ou médicale particulière. Enfin, un étranger qui respecte nos règles, nos valeurs et effectue le parcours d'intégration doit avoir, pour l'essentiel, les mêmes droits économiques et sociaux que nos concitoyens.
Ce qui concrètement se traduit par quelles mesures?
En matière d'asile, une obligation de quitter le territoire dans un délai d'un mois doit être signifiée en cas de rejet de la demande. Une lutte beaucoup plus ferme contre l'immigration clandestine doit également être conduite en rendant notre pays moins attractif socialement. La franchise de 30 euros pour l'AME, que le gouvernement a supprimée, doit être rétablie, car personne ne peut comprendre que les Français soient soumis à une franchise qui va jusqu'à 50 euros quand les clandestins en sont exemptés! Nous devons aussi établir une nouvelle politique européenne et renouer avec les pays sources de l'immigration comme je l'avais amorcé en signant huit accords de gestion concertée avec des pays d'Afrique subsaharienne et du Maghreb sous l'autorité de Nicolas Sarkozy.
Les règles de naturalisation doivent-elles être révisées?
Ce n'est pas un hasard si le nombre de naturalisations a augmenté de 14 % en 2012. Pour le gouvernement actuel, l'accès à la nationalité est le point de départ du parcours d'intégration alors que, au contraire, cela doit en être l'aboutissement. Il n'est pas acceptable d'accorder trop facilement la nationalité française comme le fait le gouvernement en ayant assoupli considérablement les règles de naturalisation avec l'objectif d'en doubler le nombre.
Faut-il réformer le droit du sol?
Bien sûr, nous devons faire évoluer ce droit en décidant que l'acquisition de la nationalité française ne soit plus automatique pour les enfants de personnes entrées clandestinement sur notre territoire. Ce principe doit être rappelé outre-mer comme en métropole.
Que répondez-vous au FN, qui vous accuse de copier ses propositions, ou au PS, qui vous accuse de faire le jeu du FN?
Sur un sujet aussi décisif pour l'avenir de notre nation, ne nous préoccupons pas des étiquettes partisanes. Que le FN dise ce qu'il veut, que le PS fasse ce qu'il peut, notre volonté est de proposer, en conscience de la réalité sociale et économique de la France, une politique qui concilie notre tradition d'accueil, assure l'équilibre de notre communauté nationale et nous épargne de potentielles tensions à venir.
11 décembre 2013
Source : Le Figaro