vendredi 29 novembre 2024 11:29

Immigrés âgés : les «chibanis», un chantier parlementaire

Les sans-nom et les sans-visage ont donc vieilli. Les immigrés ont atteint l’âge des paysages blancs, comme disent les poètes. C’est l’heure pour les institutions de prendre en charge la question de cette partie de la population négligée jusque-là. Les associations se sont organisées pour venir en aide aux chibanis et bousculer les structures qui leur rendent la vie impossible. Le président de l’Assemblée nationale, le socialiste Claude Bartolone, a décidé d’ouvrir un chantier prometteur, en créant une mission d’information sur les immigrés âgés.

Le bref communiqué indique que «cette mission sera chargée d’informer la représentation nationale sur la situation des personnes immigrées âgées de plus de 65 ans, qui sont, pour la plupart d’entre elles, venues travailler en France dans les années cinquante et soixante, contribuant ainsi à la reconstruction de notre pays. Elle analysera les difficultés auxquelles ces personnes âgées sont aujourd’hui confrontées: conditions de logement précaires et inadaptées aux besoins de personnes en perte d’autonomie, isolement, santé défaillante, problèmes d’accès à la retraite, aux droits sociaux, à la nationalité».

Pour l’heure, on ne connaît pas la composition de cette mission parlementaire qui sera présidée par un membre de l’opposition. Tout au plus sait-on qu’elle «formulera des propositions visant à améliorer la situation de ces personnes âgées, qui sont pour beaucoup d’entre elles parents et grands-parents de citoyens français». Quel est donc l’état des lieux ? La mission ne partira pas du néant. Les rapports se sont accumulés sous la précédente mandature. Ainsi, le Haut conseil à l’intégration (HCI), du temps où il était présidé par Blandine Kriegel, avait rendu un avis transmis au Premier ministre. En conclusion d’une cinquantaine de pages, le HCI formulait des propositions.

Un catalogue impressionnant. D’abord, le Haut conseil demandait plus de souplesse à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) qui «doit développer les services spécialisés d’information et d’aide pour la population des travailleurs migrants âgés». La durée de résidence obligatoire devait être annulée, permettant aux vieux de rester dans leur pays s’ils ont choisi de s’y replier, avec même la possibilité de toucher les prestations de la sécurité sociale chez eux. Et, pour les vieux restant en France, la possibilité d’y être enterrés grâce à la multiplication souhaitée de carrés musulmans dans les cimetières, ce qu’avait d’ailleurs encouragé le ministère de l’Intérieur, en 2007, par une circulaire aux maires.

Plus important peut-être, le HCI touchait au cœur de la cible la perception des Français des vieux immigrés : «La recherche historique devrait s’intéresser à la contribution des vieux travailleurs émigrés à l’histoire de France et, en particulier à l’édification  économique et sociale française dans les années 1950 et 1960». Pour imposer l’image de l’apport de l’immigration à la construction nationale, le HCI allait jusqu’à envisager que «les maires et les chefs d’entreprise concernés puissent apposer des plaques commémoratives ou autres ‘‘monuments’’ dans les lieux où l’apport de la main-d’œuvre immigrée a été le plus important».

Enfin, «l’école devrait enseigner la contribution des travailleurs migrants à l’édification économique de notre pays. En outre, les grandes entreprises françaises qui ont bénéficié de l’apport de la main- d’œuvre immigrée devraient se concerter sur les moyens par lesquels elles pourraient faire valoir leur reconnaissance à cette population». Autant dire que la mission parlementaire a déjà des billes pour commencer à travailler, afin que des décisions interviennent rapidement, ainsi que des propositions de loi.

27.11.12, Walid Mebarek

Source : El Watan.com

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