vendredi 27 décembre 2024 02:41

Islam belge : le plan de refonte

Qui va gérer l’islam, en Belgique ? Et comment ?… L’Exécutif des musulmans (EMB), qui « représente » les intérêts de quelque 400.000 fidèles, dépose, ce jeudi soir, une proposition de renouvellement des instances islamiques au ministre fédéral des Cultes, Stefaan De Clerck (CD&V). Un projet déjà contesté, avant même d’être officialisé.

Le document tient en 14 pages. Il émane d’un groupe de travail composé de membres de l’EMB, mais aussi de personnalités extérieures, parfois très proches des officines diplomatiques…

Alors que l’EMB en place est issu d’une consultation électorale de la communauté musulmane, les instances proposées sont plutôt envisagées comme une émanation directe des mosquées… L’organe de base serait un « Conseil général » composé des représentants des 308 communautés islamiques locales (un délégué par mosquée). A l’étage supérieur : une assemblée générale de 57 membres (51 issus du Conseil général et six cooptés). Au sommet : un Exécutif de 17 membres (15 issus de l’assemblée générale et deux cooptés).

Les sièges seront répartis en tenant compte du poids respectif des trois régions du pays. Les nouvelles structures renonceraient, en revanche, aux catégories ethniques en vigueur (Marocains, Turcs, etc.)… « Ce système a posé trop de problèmes dans le passé », avance le rapport adressé au ministre.

Les mosquées ou les urnes ?

Les dirigeants sortants de l’EMB espèrent ainsi « permettre aux musulmans de Belgique de disposer d’un organe digne de ce nom », pour « servir les intérêts de la communauté musulmane » et être « un interlocuteur valable pour les autorités publiques »

Une noble ambition que conteste le courant rénovateur de l’EMB, appuyé par des représentants du secteur associatif. Réunis au sein de l’Alternative démocratique pour un islam de Belgique, ils prônent le retour aux urnes… « L’occasion de prendre le pouls de la communauté musulmane, qui n’a pas été consultée. Les pays d’origine et les grandes fédérations religieuses, comme la Diyanet, veulent s’approprier la gestion du culte, mais la communauté ne peut être réduite aux mosquées, fréquentées par à peine 10 % des musulmans. »

Les « contestataires » dénoncent tour à tour l’ingérence de la Turquie et du Maroc, le culte du secret autour des propositions de renouvellement des instances, la négation des courants minoritaires, le mépris des jeunes et des femmes… De fait, la seule représentante féminine, au sein de la Commission de renouvellement des instances, a été exclue des débats, largement pris en main par des intervenants extérieurs à l’EMB, comme l’imam Coskun Beyazgül (Diyanet), et l’inspecteur des cours de religion islamique Salah Echallaoui.

Voici un an, au Sénat, le ministre des Cultes se déclarait « partisan de l’organisation d’élections, car ce serait une méthode démocratique… Les élections sont la condition essentielle d’une intervention publique au profit de cette communauté ».

De Clerck sera confronté, ce jeudi, à un rapport qui plaide exactement l’option contraire : « Le modèle électoral, tel qu’appliqué en 1998 et 2005, ne convenait plus pour instaurer un organe représentatif de la communauté musulman de Belgique », assène l’EMB sortant. Sans davantage de justifications.

Repères

Que fait l’Exécutif ?

L’islam est un culte reconnu, en Belgique, depuis 1974. Sa gestion temporelle est assurée par l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), dont les quinze membres sont issus d’une assemblée générale de 68 représentants, élus au terme des élections confessionnelles de 2005. Concrètement, l’EMB encadre le processus de reconnaissance des mosquées et des imams (rémunérés par l’Etat, une fois reconnus), ainsi que la désignation des professeurs de religion islamique et des conseillers islamiques qui officient dans les prisons.

Les controverses internes et les démissions en cascade ont altéré la légitimité de l’EMB, incitant le ministre des Cultes à exiger, dès mars 2008, une proposition de refonte de l’institution, qui doit lui être communiquée ce jeudi 20 mai.

Le projet de renouvellement des instances musulmanes est prêt, mais il est déjà largement contesté.

Source : Le Soir.be

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