mercredi 25 décembre 2024 20:03

Italie: les entreprises du nord-est industriel ont besoin des immigrés

Alors que le gouvernement Berlusconi a renforcé son arsenal anti-immigration, les entreprises de la riche région du nord-est de l'Italie ont fortement besoin des immigrés dont l'intégration n'est cependant pas toujours facile dans ce bastion de la Ligue du Nord.

"Les emplois qu'occupent les immigrés, nos jeunes ne veulent plus les faire. Ils connaissent Dante mais ils ne sont plus capables de souder", soupire Mario Cortella, patron de Kristallux, une PME fabriquant des accessoires de salle de bain près de Padoue.

Les "extra-communautaires", comme on les appelle ici, ont grandement contribué au boom économique de la région. "Au début, nous considérions l'immigration comme un problème puis nous avons commencé à penser que c'était une opportunité et aujourd'hui, c'est une nécessité", souligne M. Cortella.

Dans la province de Padoue, les immigrés, qui représentaient 2% de la population en 2000, sont près de 15% actuellement. Au niveau national, ils sont officiellement 3,89 millions, soit 6,5% de la population, et vivent à 60% dans le nord.

Dans l'usine Kristallux, Senaj Enver, Albanais, soude des porte-serviettes.

"Mon histoire est celle de tous les immigrés. Je me suis échappé d'Albanie pour fuir le régime en 1993 afin d'avoir une vie meilleure. Je suis arrivé en zodiac" avec des passeurs. "Au début cela a été vraiment dur" mais "désormais, je me sens comme un Italien, j'ai acheté une maison", raconte-t-il.

Une loi, adoptée cet été, transforme l'immigration clandestine en délit, fait planer une épée de Damoclès au-dessus des travailleurs immigrés, plus touchés que les autres par les licenciements en cette période de crise.

"Avec cette loi, qui fait de l'étranger clandestin un criminel, s'il perd son travail, il devra partir après quelques mois. On parle pourtant de gens qui sont là depuis des années, qui ont des enfants à l'école", dénonce Said Nejjari, délégué syndical CGIL d'origine marocaine dans une aciérie de Vérone.

"C'est un problème très délicat", souligne M. Cortella qui fait "tout son possible" pour ne pas licencier ses salariés immigrés malgré la crise, afin d'éviter leur expulsion.

L'économie du nord-est aurait du mal à tourner sans ces immigrés et les entreprises ont mis en place des formations, des cours de langue, des aides au logement, afin "qu'ils ne soient pas considérés seulement comme des travailleurs qui une fois effectuées leurs 8 heures doivent disparaître", explique M. Cortella.

Leur intégration, pourtant, n'est pas toujours aisée dans ce bastion de la Ligue du Nord, parti populiste allié à Silvio Berlusconi, coutumier des initiatives visant les immigrés. Fin 2007, à Padoue, une ancienne vice-ministre de la Ligue avait suscité la polémique en promenant un porc sur le terrain d'une future mosquée.

Le débat se cristallise souvent sur la religion dans cette région très catholique et conservatrice.

"Nous sommes dans un Etat laïc où à certaines heures, les cloches ne sonnent pas, pour ne pas déranger. Imaginez s'il y avait le muezzin (l'appel à la prière) cinq fois par jour, ici ce n'est pas possible", estime le maire Ligue du Nord de Vérone, Flavio Tosi, qui a un tableau du pape Benoît XVI derrière son bureau.

Said Nejjari estime avoir le droit de ne pas "oublier ses racines". "L'intégration, cela se fait à deux. Ils disent que les immigrés sont fermés, moi je dis que ce sont les Italiens qui sont fermés", juge-t-il, se disant "déçu que l'Italie qui a envoyé beaucoup de main-d'oeuvre à l'étranger ne soit pas plus sensible aux problèmes des immigrés".

Source: Le Monde

Google+ Google+