mercredi 27 novembre 2024 17:54

L'asile politique fait trébucher le gouvernement australien

Rien ne va plus pour Julia Gillard, la première femme premier ministre en Australie. Mise en difficulté après un jugement de la Cour Constitutionnelle sur un projet de loi controversé, elle court désormais le risque d'être évincée du gouvernement.

Tout commence le 31 août, lorsque la High Court (équivalent du Conseil constitutionnel) dénonce le projet gouvernemental d'un échange entre immigrants clandestins arrivant en Australie et réfugiés Malaisiens.

Fidèle à sa tradition migratoire très stricte, le parti travailliste australien a signé ce « deal » le 26 juillet avec le gouvernement Malaisien, prévoyant que les 800 prochains immigrants arrivant par bateaux seront transférés en Malaisie. En échange, l'Australie acceptera 4 000 réfugiés en provenance du pays voisin.

La solution Pacifique au coeur du conflit juridique

Ce procédé « d'off-shore processing » est une des solutions adoptées par la classe politique australienne depuis le début des années 2000, sous le nom de « solution Pacifique ».

A l'origine signé avec les îles de Nauru ou de Papouasie Nouvelle Guinée par John Howard (Conservateur), cet accord provoqua des contestations tant de la part des associations de protection des migrants que des pays récepteurs eux-mêmes.

Ce fut d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement du travailliste Kevin Rudd fut contraint à la démission par l'autre aile du parti travailliste, il y a un peu plus d'un an, en juillet 2010. La solution, loin d'être abandonnée, devint même une des priorités pour Julia Gillard, première femme élue au poste de premier ministre.

Emmenée par le Chief Justice French, la décision de la High Court de décréter ce projet de loi illégal est un nouveau coup sur la tête de Gillard, déjà attaquée pour son projet de taxe carbone et de refonte des taxes minières. La cour a jugé que la non-ratification de la convention des Nations Unies sur les réfugiés par la Malaisie rendait de fait impossible tout transfert.

Le leader de l'opposition, Tony Abbott, a profité de l'occasion pour déclarer que le gouvernement actuel « est en train de mourir de honte de sa propre incompétence », tandis que de nombreux députés de la majorité commencent à douter de son leadership.

Cependant, rien n'est joué, car Gillard a un atout : elle n'a pas de remplaçant crédible. De fait, comme a pu le souligner Peter Hartcher, analyste politique au quotidien Sydney Morning Herald qui compare le gouvernement à une maison en feu, « cette fois, il n'y a pas d'autre maison où aller ».

Une classe politique unie sur la question

Et la résistance s'organise. Contre-attaquant le jugement de la Cour Constitutionnelle, Gillard est actuellement en pourparlers avec Abbott, qui a ravalé ses critiques, pour élaborer une autre loi contournant la décision et faire éventuellement renaitre la solution Pacifique.

Si conservateurs et travaillistes régalent les journaux de piques continuelles, les désaccords affichés ne sont que de façade. De fait, ni les uns ni les autres ne remettent en cause l » « off-shore processing », symbole de l'Australie comme « un sanctuaire » selon les mots de Julia Gillard.

Cette décision pourrait malgré tout s'étendre aux accords précédents passés avec Manus ou Nauru et mis en silence depuis 2009, comme l'espère David Manne, l'avocat qui a amené la High Court à juger le projet de loi.

La gauche plus extrême que la droite ?

Le plus perturbant pour un regard français sur cette question est de voir le parti travailliste comme étant le plus volontaire sur ces questions. Si l'on ne peut pas établir de comparaisons aussi simples et directes entre des pays aussi différent que la France et l'Australie, des tentatives d'explications peuvent tout de même être menées.

Ainsi, cette attitude résulte d'un contexte historique et politique, qui a fait du parti travailliste l'un des premiers soutiens à la White Australia Policy, politique d'exclusion raciale instituée dès 1901 et abrogée seulement dans les années 1960-1970, suivie d'un nationalisme renouvelé mené notamment par Paul Keating dans les années 1990.

Le contexte insulaire de l'Australie, qui a toujours été prégnant tant dans l'esprit des dirigeants politiques que de la population, ne fait que rajouter à cet état de fait.

Et si Chantal Brunel était australienne en fin de compte ?

8/9/2011, Etienne Combier

Source : Rue 89

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