lundi 25 novembre 2024 01:53

L’immigration, machine de guerre

Il y a aujourd’hui dans le débat politique un usage particulièrement désagréable des questions d’immigration. Le dossier est à ce point complexe, il est sujet de tant de passions que tout inviterait désormais en la matière à la modération, plutôt qu’à l’exacerbation des tensions…

Il a fallu une mise au point vigoureuse du chef de l’Etat, en fin de semaine dernière, pour tenter de clore une polémique qui agitait la droite et la gauche. C’est la publication par le Figaro d’un compte rendu d’un rapport sur l’intégration remis au premier ministre, un mois plus tôt, qui avait mis le feu aux poudres.

Matignon ne s’était jamais prononcé sur son contenu, axé sur la lutte contre les discriminations et l’égalité des droits. Mais avait quand même mis en ligne sur son portail les conclusions de la concertation menée par cinq groupes de travail qui s’étaient penché sur les difficultés rencontrées par les immigrés et leurs enfants pour leur intégration.

Il s’agissait, selon les auteurs, de parvenir « à un changement de regard sur les personnes immigrées et leurs descendants, dans le sens d’une valorisation de l’enrichissement mutuel des citoyens ». Ces travaux devaient servir comme éléments du débat pour un plan gouvernemental à venir, annoncé d’abord fin 2013, puis renvoyé à 2014.

Les chercheurs et experts consultés préconisaient d’en « finir avec les discriminations légales » concernant notamment le port du voile à l’école. Ou se prononçaient pour « la valorisation de l’enseignement de l’arabe » dans les établissements scolaires afin de permettre notamment à la France d’assumer la dimension « arabe-orientale » de son identité.

Ce travail préparatoire, sans véritable prise en compte de l’état de l’opinion sur le sujet, a aussitôt provoqué l’inquiétude des principaux responsables de l’opposition. Jean- François Copé, président de l’UMP, s’est adressé à l’exécutif avec des accents dramatiques :
« Notre République serait en danger si vous cédiez à cette tentation de mettre en œuvre , ne serait-ce qu’a minima, un rapport dont l’intention est de déconstruire(…) cette République ». François Fillon ne pouvait pas être en reste s’en prenant à la « logique d’une nation mosaïque et communautariste. »

Pris à contre pied par cette offensive, les deux têtes de l’exécutif ont alors tenté d’éteindre l’incendie. « Ce n’est pas parce que je reçois des rapports que c’est forcément la position du gouvernement » a alors argumenté Jean-Marc Ayrault à Rennes. Et, depuis la Guyane, François Hollande a condamné le rapport.

Faute d’être prises véritablement en charge comme souvent ailleurs en Europe, les questions de l’immigration, de l’asile, qui nécessiteraient des réformes claires et nettes, sont aujourd’hui laissées en jachère. La porte est ainsi ouverte à toutes les instrumentalisations du débat, à toutes les ambiguïtés.

La gauche au pouvoir n’a pas de ligne claire, divisée entre la défense de la République et l’éloge de la diversité. La droite, elle ne sait plus, à force de durcir ces positions sur le sujet, proposer une approche réaliste.

Et comme toujours dans ces cas là, ce sont les immigrés, ballottés entre les discours contradictoires et les incohérences politiques qui vont faire les frais de ces flottements.

17 décembre 2013, François Ernenwein l

Source : La Croix

 

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