dimanche 24 novembre 2024 20:02

La carte des migrants morts en tentant de rejoindre l'Europe

Une équipe de journalistes a analysé les chiffres disponibles sur le nombre de migrants qui ont péri en essayant de rejoindre les portes de l’Europe. Ils ont compilé ces données dans une carte interactive et ont pu établir le chiffre inédit de 23 000 réfugiés décédés depuis l’an 2000, soit plus de 50 % de plus que les estimations dont on disposait jusqu’à présent.

En octobre dernier, deux naufrages ont fait près de 500 morts près de Lampedusa et de Malte en mer méditerranée. Ces réfugiés, originaires pour la plupart de l’Erythrée et de la Somalie amassés sur un chalutier, tentaient de rejoindre l’Europe. Mais cette tragédie n’a pas découragé les migrants, à la recherche d’une vie meilleure. Depuis le début de l'année, ce sont ainsi plus de 8500 personnes qui ont débarqué sur les côtes italiennes sur des bateaux de fortune, soit dix fois plus que sur la même période en 2013, selon le site de la RTBF.

Il n’existe aucun chiffre officiel du nombre d'émigrants qui ont péri en essayant de traverser la Méditerranée pour entrer en Europe, ce décompte est d’ailleurs très difficile à établir, aucun état ou organisme européen n'ayant entrepris ce genre de recensement. En octobre dernier, interrogée par la RTBF, l’eurodéputée du groupe des Verts, Hélène Flautre, citait le chiffre de "25 000 personnes" qui étaient "mortes noyées dans la Méditerranée depuis la fin des années 90".

Le Monde Diplomatique met en avant cette semaine une enquête minutieuse réalisée sur plusieurs mois par plusieurs journalistes européens aidés dans leur analyse par des étudiants du laboratoire de journalisme de données de l’université de Bologne. A leur disposition, deux bases de données de référence en la matière: celle du journaliste italien Gabriele del Grande sur Fortress Europe, et celle d’United, compilée par 150 ONG européennes. L’équipe s’est lancée dans le décorticage de ces données disponibles et a pu établir une carte interactive des lieux où se sont produits les drames de l’émigration clandestine.

23 000 migrants morts aux portes de l’Europe

Résultat : une carte interactive intitulée « The Migrant Files » qui révèle que plus de 23 000 personnes (23 858 exactement), hommes, femmes et enfants confondus, ont péri depuis l’an 2000 en essayant de rentrer en Europe, soit 50 % de plus que les estimations dont on disposait jusqu’alors. Un chiffre inédit.

Le document permet de préciser qu’environ 6500 d’entre eux ont péri au large de Lampedusa, plus de 2000 près des Canaries et plus de 1500 dans le détroit de Gibraltar. Et ces bases de données ne répertorient que les morts et disparus documentés, nombreux sont en effet ceux qui disparaissent en mer et dans le désert, sans laisser de traces, précise Le Monde Diplomatique. Ce chiffre de 23 000 morts est donc largement sous-estimé. Car si la plupart meurent noyés, des centaines de réfugiés sont également morts de faim ou de soif, de froid, d’hypothermie, ou encore, étouffés dans les camions qui les transportaient, en sautant sur un champ de mines ou préférant se suicider que d’être reconduits à la frontière, selon une carte interactive réalisée par OWNI en 2011, mentionnée par le journal français.

Eurosur pointé du doigt

L’enquête journalistique pointe aussi du doigt le nouveau système de surveillance des frontières extérieures de l’Europe (Eurosur) lancé en décembre 2013. Il a été conçu en 2008 pour « réduire le nombre d’immigrants illégaux qui entrent dans l’UE sans être découverts, réduire le nombre de décès d’immigrants illégaux en sauvant davantage de vies en mer (et) renforcer la sécurité intérieure dans l’ensemble de l’UE, en contribuant à prévenir la criminalité transfrontalière ». L’article du Monde Diplomatique avance que l’enquête n’a révélé qu’aucun des pays membres, aucune instance européenne, pas plus que l’ONU, ne s’est jusqu’ici doté d’un outil destiné à mesurer l’ampleur de la tragédie.

Frontex, l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne, ne collecte de son côté de statistiques que sur les seuls réfugiés interceptés et reconduits à la frontière, jamais sur ceux qui ont perdu la vie.

Petite lueur d'espoir, après les deux naufrages tragiques d'octobre dernier au large de la petite île italienne de Lampedusa, le gouvernement italien a lancé Mare Nostrum, une opération humanitaire et militaire qui a déjà permis de sauver 12 000 personnes et d'arrêter 46 passeurs d'immigrés clandestins, selon le site de la RTBF. Une goutte d'eau dans l'océan? En attendant, 400 migrants menacés de noyade étaient encore secourus ce lundi 31 mars au large de la Crète...

01 avril 2014, Caroline Lallemand /Le Monde Diplomatique

Source : levif.be

Google+ Google+