mardi 26 novembre 2024 12:40

La loi anti-niqab se dévoile

On l'avait presque oubliée celle-là, ou plutôt on ne savait plus exactement quand elle allait entrer en vigueur, la loi "interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public".

La voici la voilà. Ce jeudi matin, sera publié au Journal Officiel, la circulaire relative à sa mise en œuvre. La loi elle-même sera exécutoire le 11 avril, six jours après le débat sur la place de l'islam voulu par Sarkozy.

«Notre souci est de ne pas stigmatiser», répète-t-on au cabinet de François Fillon. En clair, l’entrée en vigueur de la loi anti-niqab va se faire avec tact et doigté.

Pour éviter que les musulmans ne se sentent une nouvelle fois montrés du doigt?

Cette modération revendiquée se reflète dans la rédaction de la circulaire. Dans l’entourage du Premier ministre, on attire l’attention sur les premières phrases du texte qui «rappellent le sens de cette loi».

Ainsi : «Se dissimuler le visage, c’est porter atteinte aux exigences minimales de la vie en société. Cela place en outre les personnes concernées dans une situation d’exclusion et d’infériorité incompatible avec les principes de liberté, d’égalité et de dignité humaine affirmés par la République française».

Ou encore : «La République se vit à visage découvert».

Cette dernière formule sera le slogan de la campagne de communication qui débute aujourd’hui. Son symbole étant un buste de Marianne au chaste décolleté, photographié sur un fond bleu horizon. «Nous avons choisi cette Marianne assez traditionnelle qui était très utilisée sous la Troisième République», explique-t-on chez Fillon.

Cette campagne de communication sera modeste. Elle n’a pas été confiée à une agence de pub mais conçue en interne par le cabinet du Premier ministre. Elle ne comprend ni spots télé ni affichage 4 par 3. Seulement 100 000 affichettes, 400 000 dépliants, et un site internet. Ces outils sont destinés à l’information du public, mais surtout des professionnels «confrontés à une situation de face à face avec des personnes ayant le visage dissimulé».

A partir du 11 avril, ce sont eux, en effet, qui seront en première ligne pour l’application de la loi.

Et ce texte prévoyant l’interdiction de la dissimulation du visage dans «l’espace public» au sens large, ils sont nombreux à être concernés. D’après la circulaire, entrent dans le champ d’application de la loi, les voies publiques, les lieux ouverts au public (plages, jardins, cinémas, théâtres, commerces, banques, gares, aéroports) et les services publics.

S’ajoutent «les lieux de culte» - alors que le Conseil Constitutionnel avait jugé qu’il pouvait s’agir là d’une violation de la liberté religieuse - mais pas les voitures particulières considérées comme des espaces privés.

Si une personne dont le visage est dissimulé se présente dans l’un de ces lieux, la circulaire précise la conduite à tenir : «Lui rappeler la réglementation applicable et l’inviter au respect de la loi en se découvrant ou en quittant les lieux». Et, si elle refuse, ne pas exercer de «contrainte» ce qui constituerait «une voie de fait», mais appeler les forces de l’ordre «qui peuvent seules constater l’infraction».

Le contrevenant risque une contravention d’un montant maximum de 150 € et peut se voir condamné à suivre un «stage de citoyenneté» à titre de peine complémentaire ou alternative.

La loi prévoyait l’entrée en vigueur de ces sanctions six mois après sa promulgation. Dans l’intervalle, des actions de médiation et pédagogie à l’attention des personnes concernées devaient être menées. «Ainsi, certaines des femmes qui portent le voile intégral pourront-elles y renoncer spontanément», prévoyait le projet de loi.

De médiation et de pédagogie, il n’y eut point. Seul Eric Besson, alors ministre de l’Immigration, avait signé, fin octobre, avec l’association Ni Putes Ni Soumises, une convention annuelle de 80 000 euros pour l’installation d’«ambassadrices» chargées de promouvoir la laïcité et l’égalité hommes-femmes dans les quartiers «les plus sensibles».

«Des discussions dans les quartiers, c’était précisément ce qu’il fallait éviter, rétorque-t-on chez Fillon. Lancer une opération médiatique, c’était continuer le débat, nourrir le tam-tam. Nous avons choisi l’apaisement».

Le gouvernement n’a pas renoncé à convaincre les femmes portant le voile intégral d’y renoncer. Le ministère de la Ville a préparé un «dispositif d’information des personnes concernées». Son objectif : «donner toutes ses chances au dialogue, afin d’amener la petite minorité des personnes qui se dissimulent le visage (1900 environ d’après le ministère de l’Intérieur, ndlr) à respecter l’interdiction posée par le législateur».

La question étant de savoir si la coïncidence de dates, avec le projet de débat sur l’islam voulu par Sarkozy, ne risque pas de crisper les positions des musulmans, et de rendre toute conciliation impossible.

3/3/2011, Catherine Coroller

Source : Libération

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