vendredi 27 décembre 2024 07:54

Le calvaire des femmes subsahariennes au Maroc

Parmi les migrants subsahariens en situation irrégulière au Maroc, les filles et les jeunes femmes sont particulièrement exposées à toutes sortes de violences et d'abus, dès leur pays d'origine, mais aussi au cours de leur voyage et une fois arrivées au Maroc. Le point avec un rapport accablant de MSF qui met en cause les criminels et les réseaux de traite et de trafic d'êtres humains.

Pour fuir la guerre, la misère, les mariages forcés... de nombreuses migrantes subsahariennes se retrouvent malgré elles, coincées au Maroc. De leur point de départ jusqu'à leur pays de transit, elles subissent de nombreuses violences sexuelles qui laisse

Si le sujet était connu de certains, il vient seulement d'être vulgarisé après le rapport accablant de l'ONG Médecins sans frontières (MSF) dont nous avons eu copie lundi.

Intitulé “Violence sexuelle et migration”, ce rapport vise à faire connaître la problématique de la “violence sexuelle subie par les femmes migrantes d'origine subsaharienne qui arrivent au Maroc dans le but de gagner l'Europe”.

Selon le dernier recensement de MSF datant de janvier 2010 à Nador, Oujda, Salé, Rabat et Casablanca, les migrants subsahariens seraient environ 4.500 au Maroc. 39% parmi les migrants interrogés ont reconnu avoir subi une agression. Si personne n'est épargné, les filles et les jeunes femmes sont particulièrement vulnérables.

La route du viol

“Les criminels et les réseaux de traite et de trafic d'êtres humains sont les principaux auteurs des attaques contre l'intégrité physique et la dignité des femmes”, souligne le rapport. A partir de juillet 2009, il y a eu une augmentation progressive des cas de violence sexuelle.

Rapport de Médecins sans frontières

Pour la plupart originaires de la République démocratique du Congo, du Nigéria, du Cameroun, de la Côte d'Ivoire ou encore du Congo Brazzaville, ces migrantes ont fui leur pays d'origine en raison d'un conflit armé, de la persécution politique et d'autres types de violence ou abus comme les mariages forcés, la violence domestique et/ou conjugale.

Parmi les répondantes, 29% ont reconnu avoir été violées avant de quitter leur pays, comme en atteste le témoignage suivant d'une femme de 26 ans restée dans l'anonymat.

“Lorsque j'ai vu deux soldats battre mon père, j'ai eu tellement peur que j'ai fui mon village. J'ai rencontré un groupe de gens vêtus comme les soldats et je leur ai demandé comment poursuivre ma route. Ils m'ont dit de m'asseoir et d'attendre (...). Les autres aussi ont abusé de moi mais j'étais à demi-consciente, j'ignore combien ils étaient”.

Arrivées à la frontière maroco-algérienne, ces femmes subissent à nouveau plusieurs séries de violences. “Maghnia est la ville la plus proche du Maroc du côté algérien et aussi le point de concentration des groupes de migrants subsahariens souhaitant entrer au Maroc via Oujda”, explique le rapport.

Ainsi, 59% des 63 femmes entendues par MSF qui sont passées par cette ville pour rejoindre Oujda ont subi des violences sexuelles.

“Une nouvelle à Maghnia appartient à celui qui la veut et elle ne peut pas refuser, ni s'en aller, tout se paye avec le sexe. Toute femme, même si elle est accompagnée de son bébé ou de son enfant, subit la même chose”, déclare de but en blanc un migrant subsaharien.

L'étape marocaine n'est pas non plus de tout repos: un tiers des femmes ont déclaré avoir subi des abus sexuels à l'intérieur du Royaume, abusées par leurs compagnons d'infortune mais aussi, par des criminels marocains.

T.D, une jeune femme de 19 ans, a été arrêté dans la médina d'Oujda. Le même jour, elle, ainsi que 28 autres migrants furent expulsés et refoulés à la frontière en pleine nuit et en plein désert. T.D marchait avec 3 hommes et 2 autres femmes quand le groupe a été attaqué par des bandits marocains: au total 6 hommes armés d’armes blanches. Selon le récit de T.D, chaque femme a été violée par trois bandits l’un après l’autre.

A.A, une adolescente de 14 ans, également refoulée de nuit à la frontière, a été giflée, trainée sur le sol puis violée par deux policiers.

Suites à ces viols, 23% des femmes qui ont bien voulu témoigner se sont retrouvées enceintes, 35% présentaient divers problèmes de santé sexuelle et reproductive et 33% ont déclaré des problèmes d'ordre psychologique: insomnie, anorexie, cauchemars, pensées suicidaires, honte etc.

Nécessité d'une réponse globale et urgente à la violence sexuelle

Clandestines et stigmatisées, ces Subsahariennes n'ont pour la plupart pas accès à une prise en charge complète (aspects sociaux, médicaux, psychologiques et juridiques). Certaines mesures ont certes été prises au niveau national pour les “encadrer” mais ce n'est pas suffisant.

“Le problème est grave, complexe et plus global qu'il n'y paraît, c'est pourquoi il faut une solution globale”, explique Khadija Ryadi, présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH).

“Des efforts doivent être consentis par l'Europe en premier lieu pour avoir contribué à creuser les inégalités entre le Nord et le Sud, à piller les richesses de ces pays puis à durcir ses politiques d'immigration. Les pays de transit comme le Maroc ont eux aussi leur rôle à jouer en assurant à ces migrants la sécurité nécessaire puisqu'après tout, nous avons signé et ratifié la plupart des conventions internationales relatives aux droits humains”, poursuit Mme Ryadi.

Source : Aufait

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