samedi 28 décembre 2024 02:45

Le Choc. Tout court

Depuis deux ans l'émergence des chocs divers et variés, choc de simplification, choc de compétitivité, choc de confiance, etc..., n'empêche pas un autre Choc de se préparer en silence : le choc tout court !

Une victoire du Front National (FN) aux élections européennes du 25 mai prochain serait un immense choc, en France, en Europe et dans le monde.

Plusieurs sondages récents (CSA, IFOP) donne le Front National en tête. Bien évidement, les sondages sont sans valeur prédictive. Néanmoins, on ne peut ignorer ces signaux rendant le scenario d'une victoire du FN possible. La rumeur sourde qui bruisse dans Paris depuis plusieurs mois pourrait se révéler vérifiée dans les urnes !

Le choc que provoquerait une victoire du FN aux élections européennes du 25 mai 2014 serait d'une envergure qu'il est difficile de mesurer. Mais pour tenter d'en comprendre l'ampleur, il faut se rappeler de Jörg Haider. Vous souvenez vous de lui ? Beaucoup d'entre nous connaissent le nom de ce responsable politique d'extrême droite. Certains se souviennent qu'il était Autrichien. Mais qui se souvient que sa notoriété est le résultat d'une victoire à une élection régionale (en Carinthie !) en.... 1989 ! L'extrême droite autrichienne a gagné une élection locale en 1989 et nous nous souvenons encore du choc émotionnel et médiatique que cela a créé en Europe et dans le monde.

Alors, imaginons ce que pourrait être la victoire du Front National à une élection d'envergure nationale en France ! Ne doutons pas que cet événement ferait l'actualité mondiale. Il jetterait sur nous les projecteurs de l'indignation et de l'incompréhension. Les media du monde entier viendraient à la fois écouter ce que le FN a à dire et comprendre chez les Français les raisons de leur vote. Ce cirque médiatique, dont nous serions les bêtes curieuses mettrait surtout en avant l'"exception" politique française, notre incapacité endémique à nous réformer, à accepter le monde tel qu'il est, notre inquiétude effarante de l'avenir, notre déprime déprimante. Enfin, il soulignerait notre déclin que les classes dirigeantes se refusent à reconnaître pour mieux le combattre.

Comment réagiraient nos partenaires européens à la victoire d'un parti anti-européen ? Et les Allemands ? Quelles seraient les réactions des marchés financiers et des prêteurs à l'égard d'un pays qui met en tête d'une élection nationale un parti qui veut sortir de l'Euro ? Enfin, les investisseurs internationaux auront-ils toujours envie d'investir dans un pays offrant une victoire électorale à un parti anti-mondialisation ?

Alors évidement, on nous opposera que l'élection européenne est historiquement le rendez-vous électoral "défouloire" sans enjeux par excellence et que le PS et, en son temps, le RPR y ont fait des scores catastrophiques. Sans enjeux ? Surtout parce que la classe politique française l'a toujours fait croire (ou bien n'a-t-elle jamais réellement compris ?). Ce qui est parfaitement faux bien sûr.

Et puis, aujourd'hui, il y a une différence de taille qui tient dans la situation d'une France "immergente". Une France abîmée et appauvrie, moins par la crise (qu'elle n'a en réalité pas réellement connue) que par son immobilisme, son incapacité à se réformer et donc à engendrer une croissance créatrice d'emplois et de richesses, fondement de la justice sociale.

Au cours des trente dernières années, et c'est encore plus vrai depuis la crise financière de 2009, la France s'est évertuée à défendre les "sanctuaires statutaires" ; ceux qui enferment et excluent plus qu'ils ne protègent. Affaiblissant ainsi un Etat déjà si ankylosé qu'il ne peut en réalité plus protéger personne et surtout pas les plus faibles. Plusieurs pays d'Europe ont été touchés beaucoup plus durement que la France par la crise (Angleterre, Espagne, Italie, Portugal,...), mais comme la finance est notre ennemie, nous n'avons pu que nous réjouir de sa crise de foie, ricaner dans notre barbe et nous rengorger d'être des "anti-libéraux" et des "anti-marchés". Pourtant, ces pays dont les populations ont souffert ont procédé à des réformes douloureuses mais, en réalité, largement soutenues par les populations car s'inscrivant dans une vision rationnelle et optimiste d'une futur collectif meilleur.

Nous n'avons pas fait ces choix, nous commençons à peine à bâtir le discours des principes, sans toutefois en être encore au discours de la méthode. Nous préférons procrastiner en boucle. Au final, notre pessimisme et notre mélancolie collective nous préparent à un avenir rabougri. Après quelques jours où nous pourrions être les "animaux de foire" d'un monde ébahi par notre immaturité politique, nous nous mettrions de nous même au ban des nations. Si le ridicule ne tue pas, l'inquiétant est dans la spirale dangereuse du déclin que nous pourrions ainsi alimenter et qui se finirait immanquablement par la déchéance.

06/05/2014, Arnaud Dupui-Castérès

Source:  HuffPost

 

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