mercredi 25 décembre 2024 07:20

Les intox d'Eric Ciotti sur l'immigration

Et Eric Ciotti lança une nouvelle charge contre l'immigration... Le président UMP du conseil général des Alpes-Maritimes, département qui connaît un afflux d'immigrés clandestins, essentiellement érythréens, venus d'Italie depuis quelques jours, était l'invité de RTL, mardi 5 août. L'occasion pour lui de remonter sur un de ses chevaux de bataille : le laxisme de la gauche en la matière.

Ce qu'il a dit :

« Il y a des passeurs qui ont été arrêtés et qu'on ne peut plus poursuivre puisque les socialistes ont supprimé le délit d'aide à l'introduction de clandestins en France. »

POURQUOI C'EST PLUTÔT FAUX ?

1. La loi a été modifiée, pas supprimée

Le fameux « délit d'aide à l'entrée et aux séjours irréguliers », mis en place par Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'intérieur, avait donné lieu à des années de polémiques. La gauche, en arrivant au pouvoir, l'a réformé, estimant qu'on n'avait pas à punir des personnes qui aidaient des « sans-papiers » de manière désintéressée.

Elle a donc modifié la loi, pour exclure les « actions humanitaires et désintéressées » du délit d'aide au séjour irrégulier. Celui-ci n'est donc pas supprimé, mais aménagé. On ne peut plus poursuivre une personne qui a aidé un étranger à séjourner en France si cette personne est un ascendant ou un descendant direct, un conjoint, ou « toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte ». Plusieurs exceptions existent, notamment pour les personnes en situation de polygamie.

Mais les passeurs, eux, restent poursuivis, au titre de l'article L. 622-1 du même code :

« Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 euros. »

Du reste, les accords de Shengen imposent aux Etats signataires de pénaliser « quiconque aide ou tente d'aider, à des fins lucratives, un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d'une partie contractante en violation de la législation de cette partie contractante relative à l'entrée et au séjour des étrangers ».

2. On poursuit et on condamne des passeurs en France en 2014

M. Ciotti nous précise sur Twitter son propos, en citant un « rapport » de la police aux frontières des Alpes-Maritimes, dont on trouve des extraits dans Le Figaro. Il s'agit en réalité d'un compte rendu d'une réunion, qui s'est tenue, selon le quotidien, le 9 juillet dernier à la préfecture du département.

Les agents se seraient plaints que « la modification de l'incrimination de l'aide à la circulation et l'absence de déclarations mettant en cause les accompagnateurs et les trafiquants rendent difficiles les poursuites pénales à l'encontre des passeurs ».

On peut en effet comprendre que le fait de ne plus pouvoir systématiquement pénaliser les personnes qui aident des clandestins mais devoir prouver qu'ils le font en échange d'une contrepartie complique le travail d'enquête.

Néanmoins, il suffit de lire la presse pour constater qu'on peut toujours condamner des « passeurs » en France. Par exemple le 24 juin à Modane, où un homme a été condamné à deux ans de prison dont un ferme, et une interdiction définitive du territoire, ou encore en avril à Besançon (six mois ferme, cinq ans d'interdiction du territoire), ou en juillet à Calais.

3. Les reconduites à la frontière se poursuivent, les nationalités ne sont pas plus facilement accordées

Ce qu'il a dit :

« On n'a plus de politique de contrôle des flux migratoire, il n'y a plus de volonté de reconduire chez eux les étrangers. »

POURQUOI C'EST PLUTÔT FAUX ?

Là encore, M. Ciotti exagère très fortement. Il suffit de consulter les chiffres. En 2012, le gouvernement Ayrault avait battu le « record » en la matière, avec 36 822 reconduites à la frontière. En 2013, le bilan était en baisse avec 27 000 reconduites.

On peut en outre rappeler qu'une partie de la gauche s'est offusquée, fin 2013 à la suite de « l'affaire Leonarda », du peu de changements effectués par Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, en matière de politique migratoire.

Enfin, le bilan des acquisitions de nationalité ne marque pas de hausse marquée depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir, comme on peut le voir dans le graphe ci-dessous.

4. La France n'a pas évolué dans sa politique migratoire par rapport à ses voisins

Ce qu'il a dit :

« La France devient le maillon faible de l'Europe dans les politiques migratoires. »

POURQUOI C'EST FAUX ?

La France accueille-t-elle plus d'étrangers que le reste de l'Europe ? La réponse est non, comme le montre ce graphe extrait d'un rapport d'Eurostat, l'office européen des statistiques.

La France accorde-t-elle plus la citoyenneté à des étrangers non-européens que d'autres pays ? La réponse est toujours non, selon le même Eurostat.

05.08.2014, Samuel Laurent

Source : Le Monde

 

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