lundi 25 novembre 2024 18:34

Les Marocains se ruent sur Bruxelles

Du Maroc au Sud de l'Europe et du Sud de l'Europe au Nord. Touchés par le chômage en Espagne ou en Italie, les migrants marocains espèrent trouver de meilleures conditions de vie en Belgique.

Bruxelles. Dimanche. Il est 16h20. Le ciel belge est clair. Fin d'une journée ensoleillée en ce jour d'automne sur la place Sainte Catherine. Durant la saison se tiennent un marché animé et coloré, des restaurants et des boutiques qui ne désemplissent pas. Le lieu est agréable, on peut se reposer sur un banc, s'offrir un "resto", flâner tout simplement.

En cette fin d'après-midi, tous les bancs du square qui juxtapose la Cathédrale sont occupés. Impossible de trouver une place libre. Sur l'un d'eux, en face de la grande porte en bois sont assis cinq hommes. Ils ont tous plus de la quarantaine. Ils partagent ensemble un brin de causette, de quoi se réconforter. Le temps, pour eux, semble s'être arrêté pour un instant. Ils discutent de leur quotidien, profitant de ce jour de repos.

Saïd, croisé juste avant au supermarché du coin, arrive le dernier. Non, il n'y a rien à fêter... c'est juste que, depuis quelques mois, ce petit groupe a l'habitude de se retrouver sur cette place. Chacun cherche un peu de réconfort, de convivialité. Trois d'entre eux viennent d'Italie, les deux autres d'Espagne. «J'ai perdu mon travail au sud de l'Italie. Ensuite je me suis déplacé de ville en ville pour chercher du travail, en vain», nous confie l'un d'eux. En effet, la crise financière qui frappe l'Europe a bouleversé le train de vie de nombreux immigrés marocains.

L'Espagne et l'Italie ayant été frappées plus fortement par la crise, ces deux pays sont devenus en quelques mois exportateurs de main d'œuvre. Le taux de chômage augmente et, dans plusieurs pays, il est plus de deux fois plus élevé chez les migrants qu'au sein de la population autochtone (28% contre 15,2% en Espagne par exemple). Les dommages collatéraux de la crise pèsent lourd sur la communauté marocaine vivant en Europe. «Les gens ont perdu leur emploi et n'ont d'autre choix que d'aller ailleurs », souligne pour sa part Saïd. La déception se lit sur son visage. Et d'ajouter : «J'ai quitté le Maroc en 1998 pour m'installer en Espagne.

J'ai laissé ma famille (père, mère, frère et ma femme et trois enfants) pour aller travailler comme maçon dans le secteur du bâtiment qui prospérait il y a peu. Mais la crise sévissant dans le secteur depuis plus d'an m'a condamné au chômage. J'ai perdu mon emploi et je n'en ai pas trouvé d'autre».

Les travailleurs migrants sont parmi les premiers à perdre leur emploi en raison de leur concentration dans les secteurs les plus touchés tels que la construction, l'industrie manufacturière, le commerce de gros, l'hôtellerie et la restauration, et parce qu'ils sont nombreux à avoir des contrats de travail précaires, une formation limitée et de faibles compétences dans la langue locale. De plus, si, après une période déterminée, les personnes ayant perdu leur emploi, et donc sur le point de perdre leur titre de séjour, ne peuvent pas disposer d'un nouveau contrat de travail, elles seront considérées comme étant en situation illégale. C'est ce qui se passe en Espagne. Et ces dispositions risquent de plonger bon nombre d'immigrés dans une précarité bien plus grande.

Saïd est titulaire d'une carte de séjour espagnole. Il a la possibilité de circuler dans l'espace Schengen. « Je fais des bricoles ici et là, au ‘black'. La Belgique peut m'offrir la possibilité de bénéficier des allocations chômage puisque je peux prouver que j'ai travaillé plusieurs années en Espagne. Mais j'avoue que je suis mieux loti qu'Ali», précise-t-il. Ali en est à son 52e printemps. Il n'a pas de papiers. Bien qu'il ait passé plus de 15 ans en Italie. «Je travaillais au noir. Je n'avais qu'une carte de court séjour.

A cause de la crise économique, mon patron m'a mis dehors. J'ai décidé de venir ici avec ma famille. L'État belge a décidé de régulariser la situation des sans papiers." Effectivement, la Belgique a démarré il y un an une opération de régularisation des situations des sans-papiers. Ainsi, environ 20.000 sans-papiers seront régularisés d'ici fin 2010 en Belgique selon le secrétaire d'État.
Il ajoute aussi : «J'aimerais être parmi ceux qui vont décrocher leur sésame mais j'ai bien peur qu'ils ne traitent pas mon cas car, apparemment, cette opération de régularisation ne concerne que ceux qui sont installés ici depuis longtemps», dit-il.
Par ailleurs, les migrants, qui ont pu, à un moment donné, avoir les moyens de construire une vie nouvelle dans un pays (comme l'Espagne ou l'Italie), doivent tout recommencer à zéro. Il n'est pas seulement question de trouver un autre emploi. Il est question de se réadapter à un système administratif nouveau, d'apprendre une nouvelle langue, d'appréhender une culture nouvelle... il faut « s'arracher » à un lieu pour s'intégrer à un nouveau. Déjà que la rupture avec le Maroc a souvent été difficilement vécue par les migrants et par leurs familles quelques années avant, c'est un nouveau déracinement qui est vécu, avec en plus, une perte d'espoir liée à cette crise qui touche les pays européens les uns après les autres et qui risque de mener les migrants vers une plus grande précarité.

Opération de régularisation

Près de 20.000 immigrés en situation illégale en Belgique pourraient être régularisés d'ici la fin de l'année 2010, selon le Secrétariat d'État belge à la Politique d'asile et de migration. Quelque 8.862 personnes ont déjà été régularisées depuis le début de l'année. A souligner que 20.421 demandes de régularisation ont été déposées durant les cinq premiers mois de 2010 auprès de l'Office des étrangers. En 2009, 14.830 personnes sur les 17.657 demandeurs ont vu leur situation régularisée.
Un accord gouvernemental promulgué en juillet 2009 a fixé des critères précis pour une régularisation des sans-papiers «au cas par cas».

Les critères portent notamment sur la maîtrise d'une des langues nationales du pays, un ancrage local durable, une résidence d'au moins 5 ans en Belgique et la preuve d'un contrat de travail.

Source : Le Matin

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