Après un été marqué par des actes racistes à l'encontre de subsahariens, le Conseil national des droits de l'homme (CNDH) a publié un rapport appelant à la mise en œuvre d'une politique publique plus volontariste pour la défense des droits des migrants. Un texte dont le roi Mohammed VI a rapidement pris acte, évoquant des "préoccupations légitimes" sur ce problème de société.
Ces derniers mois, le Maroc a régulièrement été pointé du doigt pour sa gestion de l'immigration illégale. La "recrudescence importante" des violences racistes contre les migrants subsahariens, dénoncée dans un rapport alarmant de Médecins sans frontières (MSF) au mois de mars, a été illustrée cet été par plusieurs faits divers qui ont fait la une de l'actualité.
Fin juillet, un enseignant congolais était jeté d'un bus par des policiers et décédait cinq jours plus tard à l'hôpital de Tanger. Début août, toujours à Tanger, Tina Melon, une adolescente ivoirienne de 16 ans, affirmait avoir été violée par quatre membres des forces auxiliaires. Une dizaine de jours plus tard, Ismaïla Faye, un Sénégalais de 30 ans, était assassiné à Rabat de plusieurs coups de couteau, après une altercation avec un Marocain à cause d'une place dans un bus.
Autrefois simple zone transit sur le chemin de l'"eldorado" européen, le Maroc fait désormais figure de pays d'accueil pour des milliers de migrants subsahariens. Selon les associations, ils seraient près de 20 000 à séjourner clandestinement dans le royaume chérifien. Lundi 9 septembre, le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) a remis à Mohammed VI les conclusions d'un rapport préconisant la mise en place d'une politique d'asile et d'immigration "radicalement nouvelle" pour améliorer la situation des "migrants et des réfugiés".
M6 contre le gouvernement Benkirane
Le document, divisé en quatre chapitres - réfugiés et demandeurs d'asile, étrangers en situation irrégulière, lutte contre la traite des personnes, étrangers en situation régulière -, énonce plusieurs mesures ambitieuses. Il réclame par exemple la livraison de cartes de séjour aux réfugiés reconnus par le HCR, la garantie du principe de non-refoulement aux frontières ou encore la régularisation exceptionnelle de certains migrant(e)s en situation irrégulière.
Selon un communiqué publié lundi par le cabinet royal, Mohammed VI a "pris note des recommandations pertinentes du CNDH" et "a réitéré sa conviction que la problématique migratoire, objet de préoccupations légitimes et parfois sujet de polémiques, doit être approchée de manière globale et humaniste".
Cette prise de position royale détonne au moment même où Abdelouahed Souhail, ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, et Mahjoub El Haiba, délégué interministériel aux droits de l'Homme, défendaient, à Genève, devant un comité d'experts de l'ONU, le bilan du gouvernement Benkirane en matière de droits des migrants. Selon eux, les autorités marocaines n'ont fait preuve d'aucune violence ou mauvais traitement à l'égard des clandestins présents dans le royaume. Ces affirmations ne semblent visiblement pas partagées par Mohammed VI, qui ne s'est pas fait priver pour le faire savoir. Après ses critiques ouvertes formulées contre le gouvernement lors de son discours sur l'éducation, fin août, le Roi vient de lancer une nouvelle pique au cabinet Benkirane.
10/09/2013 , Benjamin Roger
Source : AFP