Dans les forêts marocaines proches des enclaves espagnoles, des nombreux congolais y campent en attendant l’occasion de gagner l’Europe. Ils y restent parfois des mois. Les nombreux écueils ne font rien pour les dissuader de sortir !
Les deux pieds plâtrés, Pablo avance péniblement en s’appuyant sur ses béquilles. ‘’Je me suis cassé les deux jambes en tentant d’entrer en Espagne’’, explique-t-il, le visage traversé par un rictus de dépit. Mi septembre, ce jeune congolais de 19 ans était parmi les migrants africains qui, a deux reprises, ont lancé des assauts contre le grillage qui sépare le Maroc a l’enclave espagnole de Melila.
Avant de se casser les jambes, Pablo vivait dans la forêt de Finnidec, a 5o km de la ville de Tanger à 300 kilomètres de Rabat, capitale marocaine. ‘’Quand nous entrons dans la forêt, c’est pour participer à des attaques’’, renseigne t-il. Attaque qui signifie ‘’passage en force’’ dans le jargon des migrants : opération au cours de laquelle des migrants, en plusieurs groupes et armés d’outils, foncent sur le grillage frontalier de Melilla ou débarquent sur la rive marocaine pour gagner Ceuta à la nage.
Lorsque les migrants rentrent dans la forêt, c’est avec l’idée de se retrouver très vite de l’autre cote de la Méditerranée. Mais, très souvent, c’est la désillusion qui les attends reconnait Lubaki, un autre congolais. ‘’J’ai mis plus de dix mois dans la forêt, mais je n’ai pas réussi à pénétrer dans l’enclave espagnole’’. Comme Lubaki, ils sont nombreux des congolais, hommes, femmes et enfants qui attendent longtemps dans la brousse sans franchir le territoire espagnol, surveillé jours et nuits par des gardes armés jusqu’aux dents.
Rien ne les arrête !
Malgré les naufrages et leurs lots de drames, les brimades tous genres, les accidents qu’occasionne l’escalade du grillage frontalier ou encore les agressions, les candidats a l’immigration n’en ont cure de vivre comme des sauvages. ‘’Ils ne vivent pas dans la foret parce qu’ils le veulent, soutient Cheick Mohamed Sylla, membre d’une organisation de défense des droits des migrants, mais par crainte des tracasseries policières car ils sont généralement en situation irrégulière au Maroc’’.
‘’Vivre en ville avec les rafles de police, les rackets du voisinage et surtout les agressions comporte beaucoup des risques’’, renchérit Aimée, une congolaise qui vit a Fès après huit mois passés dans la forêt de Nador sans réussir une attaque. ‘’Je suis sortie juste pour venir me soigner mais, dés que possible, j y retourne’’. Comme Aimée, des nombreux congolais vivent reclus dans ces forêts faute d’alternative dans leur pays..
Misère et conflits armés aux bancs des accusés
La majorité de ces congolais justifie ce choix par la misère. ‘’Chez nous au Congo-Kinshasa, les gens vivotent. C’est difficile de trouver un travail bien rémunéré et la vie y est dure’’, déplore Romain, un ado qui a bravé les dangers pour venir au Maroc. Lino, un ancien enseignant du secondaire est tout aussi défaitiste. ‘’Travaillant a Kinshasa, je ne gagnais que 20 dollars par mois. Un salaire qui ne me permettait pas de m’acheter un pantalon dans une boutique‘’. Alors il est parti!
Les conflits sont aussi l’autre raison qui explique le désespoir de certains congolais ‘’maquisards’’. ‘’J’ai été violée en 2009 lorsque la ville de Rutsuru est tombée aux mains de rebelles. Dégoutée, j’ai pris la route sans trop y réfléchir’’, affirme Preciose, originaire du Nord-Kivu. Sans lendemains prometteurs, ces congolais n’entendent aucunement rentrer chez eux sans avoir forcé le destin. Car voir l’Europe et mourir est désormais leur devise.
Encadré
Le Royaume s’active!
Pour humaniser la condition de vie des migrants subsahariens au Maroc, le roi Mohamed VI a, début septembre, donné des injonctions fermes au gouvernement marocain pour faire cesser les refoulements et autres tracasseries auxquelles les migrants africains sont confrontés. Par ailleurs, à la suite du rapport du CNDH, conseil national des Droits de l’Homme, le souverain chérifien a ordonné la régularisation de certaines catégories des migrants sans papier. Finis les refoulements intempestifs, les rafles et d’autres violences.
Depuis lors, l’heure est à la solidarité. Au BRA, bureau des refugiés et apatrides, on s’attelle pour délivrer des cartes aux refugiés afin de leur garantir des droits. ‘’Nous saluons vivement ces mesures et remercions sa majesté le roi du Maroc pour sa magnanimité’’, déclare Marcel Amiyeto, secrétaire général de l’ODTI, Organisation démocratique des travailleurs immigrés, syndicat des immigrés. Par ailleurs, du 8 au 9 octobre dernier, le ministère de la Santé, en collaboration avec Onusida, a organisé un atelier de réflexion sur la promotion de la santé des populations migrantes. Ca bouge !
Mohamed Mboyo Ey’ekula
Source : Oeildafrique.com