vendredi 29 novembre 2024 13:32

Merkel veut réveiller la CDU grâce aux femmes et aux immigrés

Aygül Özkan, fille d'un tailleur turc, incarne le nouveau visage du camp conservateur en Allemagne.

L'arrivée de cette femme d'origine étrangère dans les instances dirigeantes de la CDU illustre la volonté d'Angela Merkel de rajeunir et de diversifier sociologiquement son parti.

Aygül Özkan est ministre des Affaires sociales du Land de Basse-Saxe. Cette jeune quadragénaire est l'une des quatre personnalités politiques issues de l'immigration à avoir été élues au comité directeur de l'Union chrétienne-démocrate lors du congrès du parti, mardi et mercredi à Hanovre.

"Il se passe quelque chose et c'est merveilleux. C'est un signe de normalité", a déclaré Aygül Özkan à Reuters.

A 58 ans, Angela Merkel, qui mènera son parti à la bataille des législatives en septembre 2013, veut faire entrer la CDU dans le XXIe siècle, même si l'adhérent type - un homme blanc de tradition chrétienne - renâcle.

La chancelière, qui promeut régulièrement des femmes à des postes clés aux niveaux fédéral et régional, veut éviter les erreurs d'autres partis conservateurs qui ont perdu le pouvoir parce qu'ils n'ont pas su parler aux femmes ni aux immigrés.

La défaite des républicains à la dernière présidentielle aux Etats-Unis a fait couler beaucoup d'encre.

Mais les nouveaux promus comme Aygül Özkan ou le jeune Younes Ouaqasse, dont les parents sont Marocains, sont musulmans dans un parti dont le congrès s'ouvre traditionnellement par un service religieux. Ce qui est susceptible de poser quelques difficultés d'adaptation aux nouveaux venus. Mais pas forcément.

DES FEMMES GÉNIALES

Aygül Özkan a suscité la controverse en suggérant que les crucifix soient retirés des salles de classe. Pour Younes Ouaquasse au contraire, les musulmans d'origine étrangère doivent respecter la religion chrétienne dans la mesure où il s'agit du culte majoritaire de leur pays d'adoption.

Angela Merkel veut aller plus loin : elle souhaite que la diversité s'installe à la CDU sans l'aide des quotas en vigueur chez ses opposants du Parti social-démocrate (SPD).

"D'autres partis ont des quotas. Nous, nous avons des femmes géniales. Les autres ont des quotas d'immigrés, nous avons la diversité comme nous l'avons montré aujourd'hui", a déclaré Aygül Özkan lors du congrès.

A l'origine, le vote des immigrés s'est naturellement porté vers le SPD en raison de ses liens avec les syndicats, qui étaient souvent le premier point de contact avec la politique pour les ouvriers arrivant de Turquie et du sud de l'Europe.

En outre, les sociaux-démocrates ont beaucoup défendu la candidature de la Turquie à l'Union européenne alors qu'Angela Merkel, la CDU et son allié bavarois l'Union chrétienne-sociale (CSU), étaient contre.

Pour Younes Ouaqasse, la CDU est un choix plus naturel pour les immigrés comme lui "parce que sa politique se fonde sur des principes religieux et, en tant que musulman, j'aime ça."

"Au Maroc ou en Turquie, les musulmans ne voteraient jamais pour un parti comme le SPD", affirme ce jeune homme âgé de 24 ans. "Les valeurs du SPD ont plus idéologiques qu'humaines."

De fait, la CDU, avec sa présidente réélue avec 98% des voix au premier jour du congrès, cinq femmes ministres au niveau fédéral et dix femmes remplaçant des hommes au conseil de direction, ne craint pas la comparaison avec le SPD, dominé par une "troïka" d'hommes d'un certain âge, tous d'origine allemande.

"LA FAMILLE AVANT TOUT"

Peer Steinbrück, le rival SPD d'Angela Merkel, est même allé jusqu'à se dire "trop cérébral et pas suffisamment émotif" pour s'adresser à l'électorat féminin.

A moins d'un an des législatives, le SPD accuse dix points de retard sur les conservateurs dans les sondages d'opinion.

Les choix d'Angela Merkel de nouveaux visages et d'un ton plus consensuel ne visent pas seulement à creuser l'écart avec le SPD, mais aussi à remettre en selle la CDU dans les grandes villes allemandes. Seules deux des 20 grandes métropoles allemandes restent aux mains de la CDU après la perte de Stuttgart au profit des Verts en octobre.

Mais, pour mieux passer dans les centres urbains, la CDU, estiment certains, doit aussi attirer une autre minorité, les homosexuels. Au congrès de la CDU, la plupart des délégués ne semblaient pas prêts à franchir cette ultime étape.

Stefan Kaufmann, député au Bundestag et l'un des rares élus CDU ouvertement gay, a estimé que "ce serait un bon signal pour les villes", si la CDU soutenait des propositions visant à donner aux couples homosexuels les mêmes avantages fiscaux que les couples hétérosexuels.

"Dans bien des domaines, nous sommes en bonne voie vers la modernisation, mais nous avons besoin d'adapter certaines de nos valeurs et de nos convictions", a-t-il fait valoir.

Lors du débat le plus animé du congrès, cette proposition a été rejetée.

Walter Arnold, de l'enclave conservatrice de Fulda, près de Francfort, a rappelé les valeurs de l'adhérent de base de la CDU : "La famille, avant tout la famille avec des enfants, c'est une de nos valeurs de base. Nous devons la respecter".

05-12-2012, Danielle Rouquié

Source : REUTERS

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