Le photographe Luc Jennepin a réalisé une série de très grands portraits en noir et blanc de chibanis (hommes et femmes). Après une première exposition en décembre, à Montpellier, il va poursuivre les prises de vues et les expositions, chaque fois plus importantes, dans 7 villes de France.
« Là, ça m’a sauté à la gueule, j’ai reçu une claque de voir ces vieux dignes qui ont donné leur sueur pour construire les infrastructures de la France. Je suis né en Algérie, ça m’a fait mal de les voir comme ça », nous raconte Luc Jennepin. Pendant l’année scolaire 2012-2013, le photographe a suivi une classe de collégiens partis à la rencontre des chibanis pour mieux connaître cet aspect de l’histoire de l’immigration. Le projet, lauréat du prix de l’Audace Artistique et Culturelle décerné par le ministère de l’Education nationale et de la Culture. Luc Jennepin a trouvé dans ce reportage l’inspiration pour une vaste exposition de portraits, puissants, en noirs et blancs qui a débuté à Montpellier, en décembre, et se poursuivra pendant 2 ans, dans le reste de la France.
« J’ai décidé de faire une série de portraits. Je me suis rendu dans un foyer Adoma de Montpellier, je me suis installé dans le salon. Ceux qui étaient intéressés pouvaient venir se faire photographier. Quelques uns sont venus, d’autres les ont suivis », explique le photographe à Yabiladi. La pose n’a pas duré bien longtemps. « Les chibanis ont un rapport à la photographie qui remonte aux années 50. Vous leur demandé de sourire, ils ne sourient pas. Ils ne bougent pas. Trois ou quatre prises et c’est fini », raconte-t-il.
Exposer 140 portraits à Paris
Par la technique qu’il y emploie, il cherche à insister sur la dignité des ces hommes et femmes immigrés. Pour les prises de vue, il emploie un appareil qu’il qualifie de « Rolce Royce des appareils pour les portraits ». « J’ai cherché à neutraliser totalement le fond par opposition aux travaux photographiques habituels qui intègrent l’espace social, montrent les chibanis dans leur cadre de vie, les foyers, voire leur misère », détaille-t-il. La lumière vient d’en haut, les personnes s’assoient sur un siège un peu spécial, sommité du design. « Il fait office de trône. Quand les chibanis s’assoient, on ne le voit plus. Symboliquement, lorsqu’ils prennent place sur le trône, le trône disparaît et ils apparaissent », dévoile Luc Jennepin.
Il reprendra ce processus pour la prochaine exposition prévue à Nantes ou Toulouse. « Je vais exposer dans 7 villes de France. Dans chaque villes je reprendrai une nouvelle série de portraits. A terme, l’objectif est d’arriver à Paris dans deux ans avec 140 portraits de chacun 85cm sur 2m. J’aimerais pouvoir exposer à la Cité de l’immigration, voire à l’Institut du monde arabe », ajoute-t-il.
Si le photographe refuse la dimension sociologique qui accompagne souvent les ouvres artistiques qui s’appuient sur les chibanis, il admet que le but ultime de ce travail « ce serait de les rendre visibles. Avant ce travail, je les voyais dans la rue, installés devant une tasse de café pendant 2 heures. On les appelle souvent les Invisibles, et je ne les voyais même pas beaucoup. J’aimerais aider à changer le regard sur eux, mais c’est très ambitieux... Le but ce serait plutôt simplement qu’on foute la paix à ces sages et qu’on les laisse vivre là où ils veulent », conclut-il.
09.01.2014,
Source : Yabiladi