mercredi 25 décembre 2024 20:29

Pour échapper aux gangs, des milliers d'enfants quittent, seuls, le Honduras

Cristian, 16 ans, se rappelle le jour où Alexander et Jairo, deux de ses meilleurs amis, lui ont confié qu'ils allaient quitter clandestinement le Honduras pour les Etats-Unis afin de fuir les gangs, un chemin qu'empruntent chaque mois des milliers d'enfants de ce pays.

"Ils m'ont demandé de garder le secret. Ils n'avaient pas assez pour payer un +coyote+ (passeur, ndlr), mais ils étaient menacés par les membres de la Mara Salvatrucha", raconte-t-il à l'AFP. Ce gang et tant d'autres recrutent par la force de nombreux mineurs au Honduras, au Salvador et au Guatemala.

L'adolescent grand et mince, aux cheveux ondulés, n'a pas oublié la date de leur départ: le 25 juillet. "Cela me fait de la peine... On leur avait dit que là-bas (aux Etats-Unis) ils auraient tout, donc ils ont suivi le courant".

Comme eux, des milliers d'enfants et adolescents traversent chaque mois plusieurs frontières, un long trajet de plus de 1.500 kilomètres qu'ils empruntent seuls, à leurs risques et périls, dans une zone où les bandes criminelles sont omniprésentes, surtout au Mexique.

Entre octobre 2013 et août 2014, 61.581 mineurs non accompagnés ont été interceptés par les garde-frontières, puis transférés dans des centres d'hébergement aux Etats-Unis dans l'attente qu'un juge statue sur leur sort, ce qui peut prendre des mois.

Au Honduras, la motivation est évidente: fuir ce pays qui est le plus violent au monde, avec 79 assassinats pour 100.000 habitants selon l'Observatoire de la violence de l'Université nationale.

Depuis 1998, 9.641 meurtres ont été enregistrés chez les moins de 23 ans, selon l'ONG américaine Casa Alianza.

"Ici les enfants, on leur fait vendre de la drogue. Les +pandilleros+ (membres de gangs) les menacent de les tuer s'ils ne le font pas", raconte Cristian, encore peiné par le départ de ses amis: "ils sont partis pour cette raison, parce qu'ils avaient peur des gangs".

 Créer des 'opportunités'

 Rêvant d'un avenir meilleur, Alexander et Jairo sont partis vers les Etats-Unis au moment même où le président Barack Obama recevait à la Maison Blanche ses homologues Juan Orlando Hernandez (Honduras), Salvador Sanchez Cerén (El Salvador) et Otto Pérez (Guatemala), pour leur demander de décourager l'émigration, surtout des enfants.

Car le départ massif de mineurs de ces trois pays d'Amérique centrale, qui cherchent à échapper à la pauvreté ou aux gangs, a généré une crise aux Etats-Unis, le phénomène ayant atteint une ampleur sans précédent.

"Nous avons une responsabilité commune face à ce problème", a clamé fin juillet Barack Obama, insistant sur la nécessité de lutter contre les passeurs et annonçant un renfort de 3,7 milliards de dollars pour augmenter la présence policière et judiciaire.

Mais "la migration ne va pas s'arrêter si on ne s'attaque pas aux causes", soupire Yadira Sauceda, administratrice de l'ONG Compartir ("partager").

Dans cette ONG, qui depuis 23 ans vient en aide aux jeunes de Villanueva, Los Pinos et Suyapa, des quartiers pauvres à l'est de la capitale Tegucigalpa, Cristian est ravi d'apprendre la soudure.

Il pense que, s'il a eu la chance d'échapper aux menaces des gangs, c'est parce qu'il vit "comme un prisonnier", allant directement de sa maison à l'école puis à l'ONG, sans jamais rester traîner ou jouer dans la rue.

"La création d'opportunités, c'est ce qui peut empêcher que les enfants émigrent", plaide Rosa Maria Nieto, directrice de l'organisation. Des projets similaires, à l'initiative des Etats-Unis et de l'Agence internationale pour le développement, sont menés au Guatemala, au Salvador et au Honduras.

"Ici j'ai appris des choses que je n'aurais jamais pu apprendre autrement, dans ma vie", confie Cristian, qui espère bien ne jamais avoir à fuir lui son pays.

Son rêve? Devenir militaire, pour pouvoir se déplacer armé, afin de se protéger et de défendre les enfants de son quartier du harcèlement des gangs.

Mais ses amis lui manquent. "Je n'ai aucune nouvelle d'eux depuis qu'ils sont partis. S'ils sont renvoyés ici, ils courent le risque que (les gangs) les tuent".

4 sept 2014 Noe LEIVA

Source : AFP

 

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