Abasourdis et choqués eux aussi par l’attaque de l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, les musulmans de France, à travers certains de leurs responsables, ont tenu à condamner un « acte barbare et lâche » et à manifester leur compassion à la communauté catholique de France.
Quelques heures après la prise d'otage, durant laquelle le P. Jacques Hamel a été tué dans son église lors de la messe, la police nationale et la BRI de Rouen inspectent les alentours de la paroisse Saint-Etienne-du-Rouvray. / Michael BUNEL/CIRIC/
Au téléphone de Mohammed Karabila, président du conseil régional du culte musulman (CRCM) de Haute-Normandie et président de l’association cultuelle de Saint-Étienne-du-Rouvray portant la mosquée de la ville, semble désemparé.
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« Nous nous sentons inutiles »
« Nous avons tant œuvré, dans notre ville et sur notre territoire au dialogue interreligieux et au vivre ensemble pour transmettre un message de paix », souffle-t-il en rappelant notamment cette soirée, qui avait réuni, il y a quelques mois, juifs, catholiques, musulmans, athées, membres de la société civile, autour de la même table.
« C’est comme un travail qui s’écroule. Nous ne comprenons pas. Nous nous sentons faibles, inutiles », ajoute le président régional qui, après avoir contacté par téléphone l’archevêque de Rouen, a choisi de réunir son bureau et quelques membres du conseil, en urgence, en début d’après-midi au sein de sa mosquée.
L’objectif : réfléchir à un tel événement et « manifester leur compassion à la communauté catholique et condamner un acte lâche et barbe qui menace notre pays ». Les responsables normands ont pu le faire, notamment, à travers un communiqué dans lequel ils dirigent « toutes leurs pensées aux victimes et à leurs familles » en rappelant, entre autres, l’importance de « continuer à œuvrer pour le vivre ensemble ».
« Un acte terroriste lâche et barbare »
Le même message revient dans les communiqués de différents responsables religieux musulmans qui se sont succédé après l’attentat de mardi 26 juillet. Celui du Conseil français du culte musulman (CFCM), présidé par Anouar Kbibech, condamne lui aussi « avec la plus grande vigueur cet acte terroriste lâche et barbare qui frappe à nouveau notre pays, quelques jours à peine après le carnage de Nice ». Il tient à manifester « sa profonde compassion aux familles des victimes, sa grande émotion et sa totale solidarité avec l’ensemble des chrétiens de France ».
Devant la gravité de la situation, le CFCM appelle à nouveau, dans ce texte, « la Nation tout entière à l’unité et à la solidarité ». « La succession des actes terroristes pendant cet été meurtrier démontre une nouvelle fois la nécessité d’une mobilisation sans précédent de toutes les énergies et la cohésion de l’ensemble des composantes de la communauté nationale pour venir à bout du fléau du terrorisme », indique l’institution.
« Lutter contre ces fanatiques »
« Je suis effondré, déchiré, sous le choc de voir que nos frères chrétiens sont touchés dans leur chair », déclare Benaïssa Chana, président du conseil régional du culte musulman de Rhône-Alpes. « Les auteurs de cette attaque veulent déstabiliser la République, ils veulent une guerre civile, une guerre de religion. On ne va pas céder, on va continuer à lutter contre ces fanatiques là où ils sont. » Ce responsable – déjà engagé dans la région lyonnaise contre la propagation salafiste – devait retrouver en fin d’après-midi à la Grande mosquée de Lyon son recteur, Kamel Kabtane pour prendre la mesure de la tragédie. Il réaffirme déjà sa volonté de « continuer à mener le combat » contre l’idéologie de Daech « dans les mosquées, dans les médias et dans la solidarité avec tous nos frères humains ».
Le recteur de l’Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris et président d’honneur du CFCM, Dalil Boubakeur, a lui aussi « condamné avec la plus grande force cette lâche attaque barbare et criminelle qui endeuille la communauté catholique et toute la Nation en cette période de JMJ, dédiée à l’amour et à la paix ». Adressant ses « condoléances attristées à l’Église catholique de France », il l’assure : « Face à cette folie meurtrière qui vise la démocratie et le modèle français, les musulmans font bloc derrière le gouvernement pour défendre la France et ses institutions. »
26/07/2016, Isabelle Demangeat et Anne-Bénédicte Hoffner
Source : La Croix