lundi 25 novembre 2024 01:38

Rapport sur l'intégration : vers une laïcité de "compromis"

Les cinq rapports remis à Jean-Marc Ayrault le 13 novembre dernier opposent laïcité néo-républicaine et laïcité "inclusive". Ils proposent de repenser nos politiques d'intégration, en commençant notamment par l'école.

C'est un rapport qui marque un tournant dans la conception des politiques d'intégration en France. Pilotés par le conseiller d'Etat et spécialiste de la question Thierry Tuot, cinq groupes de travail sur la refondation de la politique d'intégration ont remis leurs conclusions au Premier ministre le 13 novembre dernier. Leur travail vient d'être mis en ligne sur le site de Matignon.

Après la dissolution du Haut Conseil de l'Intégration (HCI), le 24 décembre 2012, Jean-Marc Ayraulta fait part de son intention de "renouveler en profondeur l'approche des questions d'intégration en France". La fuite, au coeur de l'été, d'un rapport du HCI sur le voile à l'université, et l'interpellation d'une femme portant le voile intégral à Trappes a remis au premier plan le débat sur les politiques d'intégration.

Que disent ces rapports? Le travail de ces groupes, constitués de représentants d'associations, de fonctionnaires, de syndicalistes et de chercheurs, recoupe un champ très large et traite des questions du vivre ensemble, de la protection sociale, de la connaissance et de la mémoire, des mobilités sociales et de l'habitat.

L'approche de Thierry Tuot consiste à repenser la conduite des politiques publiques en matière d'intégration. Il est ainsi proposé de créer une "gouvernance de l'Etat" pour la lutte contre les discriminations (création d'une autorité indépendante de lutte contre les discriminations sociales et ethno-raciales, d'une instance de pilotage des politiques publiques en la matière, d'un institut nationale et d'un fond d'investissement). Le rapport propose également la création d'un délit de harcèlement racial ou encore d'une "Cour des comptes de l'égalité".

Une laïcité "inclusive"

Le rapport "faire société commune" s'attaque également à la question de la laïcité à l'école, et plus précisément à l'encadrement des sorties scolaires. Il prend l'exemple de la circulaire "Chatel" du 27 mars 2011, qui stipule que les parents accompagnateurs sont soumis au pincipe de laïcité. "Cette circulaire se fonde sur une approche de la laïcité (...) orthodoxe ou néo-républicaine attachée à rappeler de façon descendante et universelle ses principes", estiment les auteurs.

Ils dénoncent les "effets discriminatoires" de ce texte, "fondé sur un critère d'appartenance religieuse". cette circulaire conduirait à un renforcement des inégalités sociales.

A rebours d'une laïcité "orthodoxe", les auteurs proposent donc de se rallier à "une conception inclusive et libérale de la laïcité, sensible à la fois aux contextes et aux conséquences de sa mise en pratique", propose le rapport. Et d'expliquer: "Faire société commune dans ces conditions ne présuppose pas que ce qui fait le commun soit prédéterminé, pré-établi par la société majoritaire et ses élites mais au contraire soit le fruit d'un processus à la fois ascendant et descendant, fait de coopérations, de compromis, d'apprentissages réciproques, de confrontations pour in fine constituer le commun comme nouvelle forme d'universalité au bénéfice de tous".

Sur ces bases, le rapport propose ainsi de revoir l'ensemble des circulaires et textes de loi "qui comportent des mesures discriminatoires ou dont les effets induits sont des processus discriminatoires".

L'école, laboratoire d'une nouvelle politique d'intégration

Le rapport dénonce également vigoureusement "la production industrielle de l'échec scolaire en France", et "l'incapacité depuis 30 années à tarir le flux de sortants sans diplôme qui enchaînent ensuite entre 3 et 5 ans en moyenne de parcours d'insertion incertains, sans perspective de carrière, mais aussi par le nombre de jeunes sortant avec des diplôme obsolètes, dont une partie est si disqualifiée dans l'éducation nationale elle-même, qu'elle ne débouche sur aucune poursuite d'étude". Les auteurs préconisent encore de renforcer les méthodes pédagogiques de l'école pour les enfants de milieux populaires en difficulté, et de repenser totalement l'orientation.

Enfin, pour promouvoir la connaissance de l'immigration, les groupes de travail proposent de repenser les programmes scolaires, afin d'intégrer, dès l'école primaire, "l'histoire des mouvements de population dans leur globalité", "ceux liés à l'esclavage et à la traite négrière, aux colonisation, à l'immigration économique..."

13/12/2013, Marie Caroline Missir

Source : lexpress.fr

Google+ Google+