vendredi 29 novembre 2024 22:38

Se trouver, se marier, s'aimer... quand on est descendant d'immigrés en France

En matière de cœur, comme dans d'autres domaines, les descendants d'immigrés en France sont entre deux eaux: à l'instar de leurs parents, ils se marient souvent dans leur communauté, sans vie commune prénuptiale. Mais contrairement à eux, l'amour guide leur choix.

Ce constat a été dressé par les sociologues Beate Collet et Emmanuelle Santelli dans unde étude "Couples d'ici, parents d'ailleurs".

Leurs travaux portent sur les choix conjugaux d'adultes ayant grandi en France mais dont les deux parents sont nés au Maghreb, au Sahel ou en Turquie, qui partagent donc une référence à la religion musulmane.

Ces descendants d'immigrés sont, selon elles, soumis à une forte pression des parents qui souhaitent les "garder dans la communauté" pour préserver leur identité, religieuse ou ethnique.

Statistiquement, les enfants semblent se plier à la règle. Seuls 24% d'entre eux vivent avec un Français né de deux parents français. La proportion tombe même à 9% pour les descendants de Turcs.

A l'inverse, 61% vivent avec un conjoint de la même origine (immigré pour 39%, descendant d'immigrés pour 22%).

"Il faut dire qu'il y a des choses dites dans le milieu familial dans des termes ethniques très violents, du genre +jamais un Noir ne rentrera à la maison!+", rapporte Beate Collet.

"Mais on peut trouver le même type de discours chez les Français d'origine", souligne sa collègue, pour laquelle les descendants d'immigrés cèdent moins aux pressions familiales qu'à "un désir de partager la même culture".

"Comme toute le monde, on se met en couple avec quelqu'un qui nous ressemble culturellement, mais aussi en terme de classes sociales", confirme une jeune Lyonnaise d'origine marocaine qui a épousé un Français d'origine algérienne.

Net recul des mariages arrangés

Pour Mme Santelli, la majorité reproduit bien "la norme endogamique" (de l'entre-soi), mais se distingue sur un point majeur de ses parents: "leurs couples sont fondés sur le sentiment amoureux."

Les mariages arrangés sont d'ailleurs en net recul. Quant aux mariages contraints, ils sont "marginaux": 9% des immigrées ont été mariées contre leur gré souvent avant de venir en France, contre 1% pour les descendantes d'immigrées, selon une étude de 2011.

A l'inverse, l'amour est bien la norme. Sur les sites de rencontres communautaires, il est partout. Avec un grand cœur en page d'accueil, le site mektoube.fr revendique un "million de célibataires maghrébins inscrits".

Mais le mariage est tout aussi présent. Le site inchallah.com a pour slogan "Un mariage si Dieu le veut".

Car les descendants d'immigrés du Maghreb, Sahel et de Turquie, sont soumis à une autre pression, particulièrement forte pour les filles: arriver vierge au mariage. Au moins en apparence.

Pour les couples, cela se traduit par une difficulté à vivre ensemble avant de se marier. 64% des descendants d'immigrés nord-africains et turcs attendent leur mariage pour emménager avec leur conjoint, contre 13% des Français issus de la population majoritaire.

"Je lui ai dit que je n'irai pas vivre avec lui sans mariage", raconte, sous couvert d'anonymat une jeune Française d'origine marocaine, qui a déjà secoué sa communauté en choisissant "un Français de souche, comme on dit."

Rencontré à la fac, elle a fréquenté cet "ami" pendant un an ou deux sans en parler officiellement aux parents. "On est même parti en voyage ensemble, mais avec d'autres copains."

Une fois l'aveu fait, il fut rapidement question de mariage. "Je n'avais pas envie de manquer de respect pour mes parents", dit-elle. "La communauté aurait parlé".

Par Charlotte PLANTIVE

24/1/2013

Source : AFP

Google+ Google+