samedi 28 décembre 2024 11:15

Suisse : Le potentiel positif de la migration

Le débat sur la migration est trop souvent centré sur la notion de problème. Cela éclipse le fait que la migration a une influence positive sur les pays d’origine et d’accueil. La diaspora y joue un rôle central. Elle doit donc être impliquée dans les politiques migratoires. En Suisse comme dans d’autres pays, cette idée commence à faire son chemin. Une approche globale s’impose.

La migration internationale s’intensifie et devient de plus en plus complexe. Elle est une conséquence des disparités, accentuées par la mondialisation, entre les régions du globe. Aujourd’hui, le monde compte près de 200 millions de migrants, soit plus du double qu’en 1980. Souvent, la migration n’est pas le fait des plus pauvres, mais de ceux qui disposent de ressources financières et de formation. De plus, la plupart des migrants ne quittent pas le Sud pour le Nord, mais un pays en développement, ou un pays développé, pour un autre.

Face à cette évolution, la communauté internationale a réorienté son discours. Jusqu’à récemment, il était surtout question en Europe de la sécurité des pays d’accueil, que l’on pensait garantir au mieux par des contrôles aux frontières, des mesures de politique d’asile et d’aide au retour. Depuis, on s’accorde à penser qu’une politique migratoire réussie passe par une approche globale. Le but n’est plus seulement d’atténuer les impacts négatifs, mais de reconnaître et d’exploiter le potentiel positif de la migration internationale.

La migration est en principe un phénomène positif. Elle permet aux migrants de réaliser leurs objectifs personnels. Dans les pays d’accueil, elle comble les lacunes du marché de l’emploi et engendre des recettes fiscales et des contributions aux retraites. Elle décharge les marchés du travail des pays d’origine et apporte plus de devises que l’aide publique au développement.

Mais la migration est également source de problèmes. Les migrants peuvent être victimes de trafiquants d’êtres humains, se faire exploiter par des employeurs qui abusent de leur statut de clandestin ou devenir criminels. Dans les pays d’accueil, l’augmentation de la migration irrégulière ébranle la confiance dans l’efficacité des politiques migratoires et d’asile. Pour leur part, les pays d’origine perdent une main-d’œuvre qualifiée. Ainsi, l’Ethiopie est le pays africain qui connaît la plus forte émigration de professionnels, notamment dans le domaine de la santé

Aussi la Suisse a dû prendre conscience du fait que sa politique migratoire, centrée surtout sur ses propres intérêts, touche à ses limites. De là, elle a développé des instruments comme les Partenariats migratoires et la Protection dans la région. Ces instruments font partie du dialogue politique avec les pays d’origine et de transit et permettent une coopération concrète en matière de migration. Cette évolution s’inscrit dans une volonté de conciliation des intérêts, de cohérence et de complémentarité. Ainsi, le partenariat migratoire envisagé avec le Nigeria ne prévoit pas seulement des projets de prévention de la migration irrégulière mais aussi des projets de formation professionnelle de migrants nigérians échoués en Afrique de l’Ouest. Au Yémen, la Suisse contribue à la protection des réfugiés de la Corne de l’Afrique en finançant des projets d’enregistrement de demandes d’asile et en favorisant l’accès des réfugiés aux soins de santé.

Les politiques de développement tiennent aujourd’hui de plus en plus compte des conclusions des chercheurs sur l’apport de la migration au développement. On s’accorde à dire que les initiatives des diasporas sont bénéfiques au développement. Leurs membres envoient notamment des fonds, investissent ou participent à des projets et font bénéficier leur pays d’origine de leur savoir-faire acquis à l’étranger. Ils sont mobiles et nombre d’entre eux se déplacent souvent entre leur pays d’origine et leur pays d’accueil. Les membres de la diaspora connaissent les spécificités culturelles des deux mondes et parlent leurs langues. Enfin, dans de nombreux domaines, les objectifs des diasporas et de la politique de développement se recoupent. D’après la Banque mondiale, les migrants ont transféré près de 328 milliards de dollars dans les pays en développement en 2008, soit près de trois fois le volume total des fonds publics alloués à l’aide au développement. Certes, les apports des diasporas ne peuvent à eux seuls résoudre les problèmes de développement.

L’Office fédéral des migrations (ODM) et la Direction du développement et de la coopération (DDC) ont mandaté une étude pour évaluer les possibilités de collaboration avec la diaspora d’Afrique subsaharienne dans les domaines de l’intégration, du retour volontaire et de la coopération au développement.

D’après cette étude, la diaspora subsaharienne représente avec 62 000 personnes 2,7% de la population étrangère domiciliée en Suisse. L’étude confirme d’une part les difficiles conditions socio-économiques dans lesquelles de nombreux ressortissants de ces pays vivent en Suisse, mais d’autre part, elle montre également le potentiel de la diaspora pour une coopération avec les autorités de migration. Plus de 70% des membres de la diaspora subsaharienne parlent l’une de nos langues nationales ou l’anglais comme première langue. Ils sont nombreux à être titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur et disposent de compétences interculturelles dues à leur parcours migratoire. Les organisations de la diaspora qui travaillent sur les mêmes sujets se connaissent et communiquent entre elles. De plus, elles cultivent des contacts étroits avec leurs pays d’origine et s’investissent dans des projets d’intégration et de développement. Les conditions pour un dialogue constructif et une collaboration efficace entre les autorités suisses de migration et la diaspora sont donc réunies.

Dans le cadre de son mandat, la DDC a commencé à réaliser des projets en lien avec la diaspora. Elle soutient des pays comme l’Ethiopie, le Ghana, le Mali et la Syrie dans leurs efforts de récupérer leur main-d’œuvre qualifiée et de proposer des incitations financières pour les envois de fonds et les investissements au pays d’origine. Elle fait bénéficier une organisation de la diaspora des connaissances financières nécessaires pour mettre en place un système transparent et économique de transferts de fonds. Ce sont donc quelques-uns des premiers pas vers la concrétisation de la nouvelle approche globale de la politique migratoire suisse.

Source : Le Temps.ch

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