jeudi 26 décembre 2024 21:17

Sur les îles grecques, la soif d'apprendre mal étanchée des enfants réfugiés

Au milieu d'un groupe d'enfants devant un camp de réfugiés sur l'île grecque de Chios, la petite Roza piaffe d'impatience : "Ecole bonne, école bonne!", répète-t-elle en souriant, sac au dos et nattes tressautantes.

Roza, Kurde syrienne âgée d'une dizaine d'années, fait partie du très petit groupe d'enfants actuellement retenus avec leurs familles sur les îles grecques proches de la Turquie à avoir la chance de pouvoir suivre une forme d'éducation.

Comme Roza, 270 enfants peuvent apprendre l'anglais, les mathématiques et l'expression artistique avec "Be Aware and Share" (BAAS), une ONG suisse présente à Chios depuis le mois de mai.

Ses 20 membres reçoivent les enfants à partir de six ans dans un ancien restaurant désaffecté. Les plus âgés apprennent la cuisine, ou comment faire les courses au supermarché. Les leçons peuvent aussi porter sur l'hygiène dentaire.

A l'intérieur, on entend un professeur gratter une guitare.

"On n'est pas là pour remplacer l'école traditionnelle", explique Nicholas Millet, un volontaire britannique qui a contribué à la création de BAAS. "Oui, il y a un programme, mais pour nous, l'essentiel est que les enfants se sentent de nouveau des enfants".

Après le long voyage depuis leur pays, les migrants et réfugiés arrivés depuis le 20 mars, et l'entrée en vigueur de l'accord UE-Turquie qui prévoit leur renvoi systématique en Turquie, sont en effet dorénavant coincés sur ces îles, Lesbos, Chios, Leros, Kos...

Ils sont désormais 15.000 entassés sur ces îles, car la plupart ont demandé l'asile en Grèce pour éviter le renvoi. Et rien n'est vraiment prévu pour occuper les enfants en attendant le résultat de cette démarche.

Les enfants doivent de surcroît affronter une ambiance électrique dans les camps surpeuplés de ces îles, où les bagarres éclatent régulièrement.

On leur donne "une touche de normalité", résume auprès de l'AFP Jacob Rohde, un Allemand de 28 ans, directeur de projet de BAAS.

Mais il pense que ces enfants "doivent absolument" aller à l'école. "Aller dans une école +normale+ leur donnerait un bien meilleur sens de la structure, de la sécurité et de la normalité", dit-il.

Dans le camp de fortune de Souda, Djeneba, une Malienne de 28 ans, fait partie des parents qui ont envoyé leur enfant à l'école des volontaires suisses.

"Je veux ce qu'il y a de mieux pour ma fille, elle est la raison de ma présence ici", explique la jeune mère, qui a fui le Mali quand sa fille aînée est morte des suites d'une excision.

Il y a actuellement plus de 60.000 migrants et réfugiés dans toute la Grèce, îles et continent. Parmi eux, des milliers d'enfants, qui ont manqué en moyenne 20 mois d'école, selon l'UNICEF.

Le ministère grec de l'Education affirme que les enfants présents sur les îles pourront bientôt être transférés sur le continent si l'asile est accepté, dans des conditions moins précaires.

Mais Matina Katsiveli, une ancienne magistrate qui aide à gérer un groupe de soutien aux réfugiés sur l'île de Leros, affirme qu'une telle procédure d'asile peut prendre jusqu'à six mois.

"Ces enfants ne peuvent pas tourner en rond toute la journée à ne rien faire, c'est une très grosse erreur", soupire-t-elle, "et ça va être difficile de les maintenir enfermés à ne rien faire, surtout maintenant que l'hiver arrive".

Mme Katsiveli fait partie du réseau d'aide aux réfugiés sur les îles grecques qui a été nominé pour le prix Nobel de la Paix, au début du mois.

Les enfants doivent aussi affronter la méfiance de certains Grecs. A Chios, des parents ont ainsi mis en garde contre l'éventuelle présence d'enfants migrants dans les écoles publiques.

Ils ont fait circuler un document évoquant "la différence de culture, de comportement socialement acceptable, d'expression religieuse". "Mais surtout, le problème d'hygiène".

L'ambiance n'est pas toujours meilleure sur le continent, où vivent environ 45.000 migrants et réfugiés arrivés avant le 20 mars, retenus là en ce qui les concerne par la fermeture des frontières nord du pays début mars.

Une vingtaine d'écoles publiques y accueillent depuis deux semaines un total de 1.500 enfants réfugiés, l'après-midi, après les cours des petits Grecs.

Au début, la police a dû escorter des enfants réfugiés dans une école à Oreokastro près de Thessalonique, car une quarantaine de parents grecs protestaient à l'extérieur.

Le ministère de l'Education a cependant annoncé que plus de 10.000 enfants réfugiés allaient entrer dans les écoles grecques du continent d'ici à la fin octobre.

18 oct 2016

Source : AFP

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