Les envois de fonds vers les pays en développement attirent de plus en plus l'attention à cause de leur volume croissant et de leur impact sur les pays bénéficiaires dont le Maroc.
En 2008, les transferts des expatriés vers les pays en développement ont atteint 305 milliards de dollars, soit plus de deux fois l'aide publique au développement qui s'élève à environ 106,5 milliards dollars. Ces fonds représentent également les deux tiers d'investissement étranger directs (IED) dans les pays en développement. Le montant des transferts des migrants augmenterait d'au moins 50% si l'on ajoutait les sommes passant par les canaux informels et les moyens non comptabilisés.
Selon les statistiques du dernier rapport de la Banque Mondiale, l'Inde figure en tête de classement des principaux pays bénéficiaires des envois de fonds avec un montant global de 45 milliards dollars. La Chine suit avec 34 milliards dollars, puis le Mexique avec 26 milliards dollars, les Philippines (18 milliards dollars) et enfin la Pologne avec un montant de 11 milliards de dollars.
Cependant, à mesure que la crise financière s'accentue partout dans le monde, les migrants sont confrontés à un contexte plus difficile, caractérisé par le chômage accru et des manifestations d'hostilité, voire de violence et de racisme à leur égard.
Les experts de la Banque Mondiale indiquent que la crise mondiale aura des conséquences néfastes sur les envois de fonds qui vont diminuer plus que prévu cette année passant de 305 milliards dollars à fin 2008, à un montant plus proche de 290 milliards dollars en 2009. Ce recul s'explique par la chute des salaires des travailleurs migrants supérieure de 5% à celle qui affecte les employés ordinaires ainsi que l'augmentation en flèche du coût des transactions pratiquées par les banques de transferts. La Banque mondiale estime que le coût des envois d'argent par les canaux officiels s'élève à 10% de la somme envoyée. Dans certains pays, il peut même atteindre 25 voire 30%.
Au Maroc, les transferts des marocains résidents à l'étranger « MRE » a atteint 53,65 milliards de dirhams en 2008 marquant une baisse de 2,4% par rapport à 2007 (57 milliards de Dirhams). Ces transferts représentent l'une des principales sources de devises du Maroc permettant de couvrir 20 à 24% des importations. Pour le système bancaire, ces transferts représentent la principale source de surliquidité chronique. Ils constituent aussi le premier poste de recette de la balance de paiement avant le tourisme et les investissements privés étrangers.
Selon une enquête nationale sur le niveau de vie des ménages, les fonds envoyés par les Marocains du monde constituent une véritable sécurité réduisant la pauvreté de 23% à 19% de la population marocaine. Sans ces fonds le taux de pauvreté serait en augmentation de 12% à 16,6% dans le milieu urbain et de 27,2 % à 31% dans le milieu rural. En tout cas, 1,2 million de Marocains échappent ainsi à la pauvreté grâce aux transferts des marocains résidents à l'étranger.
Etant donné l'ampleur de ces envois de fonds, les experts internationaux en matière de migration et de développement étudient aujourd'hui pour savoir comment cet argent aide les personnes restées au Maroc à sortir de la pauvreté et de l'exclusion ainsi que la possibilité d'instaurer une stratégie efficace d'affectation de ces fonds sous forme d'investissement productif en vue de contribuer au développement économique et social de notre pays qui souffre encore des disparités bloquant son épanouissement.
Selon les données d'une enquête réalisée par l'institut national des statistiques et d'économie appliquée (INSEA), 60% des Marocains résidents à l'étranger envoient au Maroc au moins le quart de leur revenu annuel, et plus du tiers de ces migrants transfèrent plus du tiers de leur revenu chaque année. D'après les données de cette enquête, les Marocains résidents en France transfèrent plus d'argent contrairement à ceux des autres pays tels que l'Allemagne et les pays Bas.
Une partie des revenus transférés au Maroc par les migrants est réservée en priorité à la satisfaction des besoins fondamentaux de leurs familles vivant au Maroc et le reste est réservé à l'épargne ou affecté à l'investissement en vue de préparer une éventuelle réinsertion dans leur pays d'origine.
Les résultats de l'enquête montrent également que le nombre moyen d'investissement par migrant est de 1,28 soit 1,02 au Maroc et 0,26 en pays d'immigration. L'investissement dans l'immobilier s'accapare la part du lion avec près de 84% du nombre d'investissements au Maroc et 63% dans les pays d'accueil. Cependant, l'investissement dans l'immobilier a connu un recul relatif au profit d'autres investissements plus diversifiés choisis par les migrants selon des différents paramètres tel le savoir-faire acquis dans les pays d'accueil, la connaissance du secteur et le changement de modèle migratoire.
Le Maroc fait donc partie des principaux pays bénéficiaires des transferts de fonds des migrants à l'étranger. Ces flux monétaires pèsent fortement dans la balance des paiements de notre pays. Leur poids dépasse le montant total du solde des transactions courantes. L'utilisation improductive de ces transferts monétaires diminue de plus en plus au profit d'une allocation productive et les migrants, notamment la nouvelle génération, se préoccupent et se tournent vers l'entrepreneuriat privé.
Tout ceci pose la question principale concernant la durabilité des transferts des migrants et leur affectation sous forme d'investissements dans des secteurs promoteurs d'emploi. Les tendances dépendent de plusieurs facteurs tels le relâchement des liens avec le pays d'origine, la durée de la migration et sa nature, etc. De ce fait, nos responsables sont appelés à s'approcher davantage des MRE pour les aider à surmonter les obstacles que rencontrent leurs transferts de fonds au Maroc et mieux les canaliser vers des investissements productifs.
Source: Le Reporter