Les ministres européens du Travail se sont accordés lundi sur les moyens d'empêcher les fraudes concernant les travailleurs détachés. Un accord qui ouvre la possibilité à la France d'accroître sa lutte contre les abus liés à ces travailleurs.
Les ministres européens du Travail ont trouvé un accord lundi sur les moyens d'empêcher les fraudes concernant les travailleurs détachés. Que représentent-ils dans la masse salariale française ? Pourquoi certaines entreprises en abusent-elles et que prévoit l'accord européen ? MYTF1News fait le point.
Qui sont les travailleurs détachés ? D'après une directive (loi européenne) datant de 1996, une entreprise peut "détacher" des salariés dans un autre pays de l'UE pendant deux ans maximum, à condition d'appliquer certaines règles du pays d'accueil (salaires, conditions de travail) tout en versant les cotisations sociales dans le pays d'origine. Le nombre de travailleurs détachés au sein de l'UE atteindrait 1,5 million aujourd'hui. Rien qu'en France, jusqu'à 350.000 personnes seraient concernées, et seulement une partie déclarées : 170.000 en 2012 et 210.000 en 2013 (+23%).
Pourquoi certaines entreprises en abusent-elles ? Si le Code du Travail semble pouvoir contrôler l'utilisation de ces travailleurs détachés, le manque de contrôle efficace peut entraîner quelques dérives, notamment dans le bâtiment où nombre de travailleurs détachés sont payés en-deçà du salaire minimum. Certaines entreprises n'hésitent donc pas à user et abuser de ces travailleurs. Selon un rapport du Sénat sur le sujet (voir le rapport) publié le 18 avril 2013, "l'écart entre le coût salarial d'un résident français dans le secteur de la construction et celui d'un salarié détaché de Pologne peut ainsi atteindre près de 30%". Un écart vraisemblablement similaire avec le Luxembourg, qui entraînerait par conséquent un recours abusif aux entreprises de travail temporaires luxembourgeoises à la frontière française.
Que dit l'accord européen ? Face à ces abus, les ministres européens ont donc décidé d'accorder plus de souplesse aux Etats membres de l'Union. D'une part, l'accord prévoit que chaque Etat sera libre d'avoir sa propre liste de documents exigibles auprès des entreprises pour contrôler ces détachements. D'autre part, dans le secteur du BTP, un Etat sera dans l'obligation de poursuivre un donneur d'ordres pour les fraudes relevant d'un de ses sous-traitants selon le principe de "responsabilité solidaire".
Vers une nouvelle loi française ? Cet accord européen laisse la voie à une mise en place d'une loi plus restrictive en France. C'est en ce sens que le groupe PS à l'Assemblée nationale a annoncé mardi qu'il déposerait une proposition de loi avant les Municipales, pour renforcer le contrôle des travailleurs détachés. Les députés socialistes envisagent notamment comme mesures la création "d'une liste noire des entreprises frauduleuses qui seraient écartées des appels d'offres" ou encore l'introduction "d'une double notification de détachement de travailleurs étrangers, non seulement par l'entreprise qui détache mais également par le maître d'ouvrage", a indiqué Gilles Savary, rédacteur de la proposition de loi.
10 décembre 2013, Brice Lahaye
Source : TFI avec AFP