lundi 25 novembre 2024 05:52

Un guide de l’Europe à destination des migrants et des réfugiés

Europa, écrit en quatre langues – arabe, persan, anglais et français –, retrace les cent dernières années de l’histoire européenne sous l’angle des guerres et des migrations consécutives.

L’épais et coloré volume, intitulé Europa: Une Introduction illustrée à l’Europe pour les migrants et les réfugiés se propose d’élargir les perspectives des migrants nouvellement arrivés sur le continent européen par une abondance de photos historiques, de cartes, de récits individuels et d’informations pratiques.1

C’est ce qu’explique Alia Malek, la journaliste américaine d’origine syrienne qui est l’une des rédactrices du livre. Le guide essaie principalement de «présenter l’Europe aux arrivants actuels, à travers le prisme de la guerre et de la migration. Il leur raconte l’histoire de sa formation sur les cent dernières années, sous l’effet de deux forces qui tendent à se conjuguer: les conflits et les déplacements qu’ils provoquent», explique-t-elle.

«L’idée partait du fait qu’en montrant cette facette de l’Europe à des personnes venant de lieux qui subissent une destruction similaire à celle vécue par l’Europe il y a moins de cent ans, cela pouvait leur permettre de se reconnaître un peu dans cet ‘autre’».

Alia Malek dit avoir rencontré maints réfugiés possédant des niveaux différents de compréhension de ce qui les attendait en Europe. Dans de nombreux cas, ils n’avaient pas conscience que les Européens avaient traversé des expériences analogues aux leurs.

«J’ai eu les conversations les plus invraisemblables. On me disait – durant les interminables moments passés à attendre, à marcher et à rester assis dans les champs – des choses comme ‘ce qui s’est passé en Syrie et en Irak est du jamais vu dans l’histoire de l’humanité; la façon dont le voisin s’est retourné contre le voisin, la manière dont le tissu social lui-même s’est déchiré, on n’avait auparavant jamais connu ça’. Ces conversations, nous les avions à la frontière entre Croatie et Serbie, une frontière où il fallait être extrêmement prudent car il y restait encore des mines datant de la guerre en ex-Yougoslavie. J’y ai vu de l’ironie. La réalité, c’est que l’histoire se répète et que nous marchions sur ces traces tout en parlant», raconte l’auteure.

Europa, selon sa page web, est aussi conçu comme un guide pratique pour les migrants et les réfugiés; il est donc rédigé en quatre langues: arabe, persan, anglais et français. Il comporte des chapitres décrivant les différents systèmes politiques, la géographie et les traditions en Europe, ainsi que les films à succès et les livres marquants, et il propose une liste d’organisations offrant assistance aux migrants et réfugiés [dans divers pays européens].

Europa contient aussi des témoignages à la première personne: d’habitants, de migrants et réfugiés, anciens et nouveaux, qui racontent leurs histoires personnelles, évoquant avec leurs propres mots «la guerre, la solidarité et la réconciliation», précise Alia Malek.

«Il y a cette histoire, que j’adore, des grands-mères grecques, elles-mêmes filles de réfugiées grecques ottomanes ayant fui l’Empire ottoman à sa dislocation et s’étant réinstallées sur des îles comme Lesbos, qui, près d’un siècle plus tard, aident les femmes syriennes, irakiennes et afghanes arrivées avec leurs enfants… Nous avons aussi les histoires orales de ceux qui ont fait le voyage, comme ce médecin afghan, dont le vœu, depuis dix ans, était de se rendre dans le pays d’origine du serment d’Hippocrate, et qui, maintenant praticien établi en Grèce, travaille auprès des réfugiés… Nous avons des architectes de Syrie qui rêvaient d’aller aux Pays-Bas, et qui aujourd’hui veulent rapporter les idées d’urbanisme qu’ils ont vues à Amsterdam chez eux, en Syrie.»

Pendant les quelques années qu’elle a passées à suivre le mouvement migratoire et à préparer Europa, l’auteure dit avoir été inspirée par les migrants qu’elle a rencontrés au long du chemin:

«On ne cesse d’être horrifié par les réactions négatives, mais j’ai été touchée et agréablement surprise par la chaleur et l’ouverture des gens, pas seulement de la part des bénévoles qui se précipitent vers les gares à la rencontre des migrants, mais aussi de la part de ceux qui savent se montrer généreux, ou qui agissent en mémoire de la part migratoire de leur propre histoire familiale – j’étais à la fois accablée par l’incapacité de l’humanité à retenir les leçons du passé et émue de réaliser à quel point autant de gens arrivent à tirer de ce qu’ils ont sous les yeux une expérience ‘autre’ que ce que les politiciens bruyants veulent que nous croyions».

19 janvier 2017, David Leveille

Source : lecourrier.ch

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