mardi 26 novembre 2024 00:48

Un projet pour sortir les imams du flou statutaire

Un colloque sur le statut des ministres du culte musulman en France dans une perspective comparative se tient mercredi 16 et jeudi 17 novembre à l’Université de Strasbourg.

Un projet de « charte et statut des imams » doit être présenté qui pourrait permettre aux imams de sortir du flou quant à leur rôle, leurs « droits et devoirs », leur nomination et leur licenciement.

Quel est le rôle de l’imam en France, quelle devrait être sa formation et sa place au sein de la mosquée ? Cantonnés – dans le monde musulman – au rôle de guides pour la prière, voire de prédicateurs, embauchés et payés par le ministère des affaires religieuses, les imams sont, en France, confrontés à un grand flou. La grande majorité sont bénévoles, tout juste défrayés par leurs fidèles. Nommés sans procédure d’accréditation précise ni condition de diplômes par les associations gestionnaires de mosquées, ils doivent aussi recueillir – et conserver – l’approbation de la majorité des fidèles… Une fragilité problématique.

Cruciale pour l’organisation d’un futur « islam de France », cette question du statut de l’imam est abordée mercredi 16 et jeudi 17 novembre à l’Université de Strasbourg, à l’occasion d’un colloque. « Dans les autres cultes, les choses sont fixées soit par le code de droit canonique, soit par la constitution de l’Église protestante unie de France, soit encore par un règlement du Consistoire israélite de 1972 », rappelle son organisateur, le juriste Francis Messner, auteur d’un récent rapport sur la formation des imams. « Ces textes prévoient les diplômes et les niveaux requis, l’âge, le cahier des charges, la procédure de nomination, la rémunération, la sanction éventuelle. Tout ceci est encore inexistant pour le culte musulman. »

Le rôle de l’imam doit-il s’arrêter aux portes de la mosquée ?

Première tentative de clarification, un projet de « charte et statut des imams » doit être présenté jeudi au colloque, en présence des principaux dirigeants du Conseil français du culte musulman (CFCM). Rédigé par des responsables musulmans alsaciens, le texte esquisse une définition du « rôle des différents acteurs » (CFCM, conseil des théologiens, mosquée, imams), liste « les droits et devoirs de l’imam » et précise également les procédures de désignation et de sanction. « Il pourrait servir de locomotive au-delà de la région », espère Francis Messner, qui sait toutefois que le chemin risque d’être encore long. « Quand on parle avec eux, tous les responsables musulmans sont d’accord pour dire qu’il faut faire quelque chose, mais la mise en œuvre est difficile ». L’annonce par le CFCM, il y a un an, d’une prochaine « certification » des imams ne s’est toujours pas concrétisée.

De fait, la question du statut des imams est indissociable de celle de leur rôle : doit-il s’arrêter aux portes de la mosquée, comme dans les pays majoritairement musulmans ? Ou bien, sécularisation oblige, doivent-ils endosser aussi un rôle de « leader », voire de « conseil » ? Une rencontre organisée fin janvier entre prêtres et imams à l’Institut européen des sciences humaines de Saint-Denis (1) a montré que la question faisait encore débat. « Ce n’est pas parce qu’il parle au nom de Dieu qu’il peut parler de tout », tranchait Mohamed Bajrafil, imam à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), mettant en garde contre « l’imam superman » ou « toutologue ». De son côté, un ancien étudiant de l’IESH, Fares Dhif, imam à Bondy et enseignant en arabe et sciences du Coran à Sarcelles, n’hésitait pas à lui faire endosser un rôle de « leadership social, politique » ou même « économique »…

Se pose donc la question de leur formation théologique - un domaine sur lequel chaque fédération veille jalousement, en lien étroit avec son pays d’origine - mais aussi aux sciences humaines. « L’imam est choisi pour sa sagesse, c’est-à-dire à la fois ses connaissances théologiques et son bon comportement. Mais si désormais on doit apprendre aussi l’histoire et la psychologie, alors on sera imam à 60 ans », ironisait l’un d’eux à Saint-Denis, tout en reconnaissant être souvent dépassé par les questions de ses fidèles sur l’éducation des enfants ou la vie de couple… « La majeure partie des imams travaillent pour vivre. Où trouveraient-ils le temps de se former ? », s’est interrogé un autre. Désireux de se former pour peut-être devenir imam, un jeune converti nantais a partagé son dilemme : « Cela me coûterait 500 € par an dans la mosquée à côté de chez moi. Pourquoi n’irais-je pas à l’étranger, où tout est gratuit ? »

15/11/2016, Anne-Bénédicte Hoffner

Source : la-croix.com

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