mercredi 25 décembre 2024 07:21

Visas dorés, ou comment le Portugal ouvre la porte au blanchiment d’argent

La justice portugaise a refusé mardi 17 juin d’extrader un Chinois détenteur d’une autorisation de résidence à but d’investissement et visé par un mandat d’arrêt international.

Le Portugal a délivré 850 de ces visas longue durée réservés aux étrangers prêts à investir un minimum de 500 000 € sur cinq ans.

M. Xang est désormais libre. Après avoir été accueilli à bras ouverts par le Portugal qui lui avait octroyé un « visa doré », ce ressortissant chinois âgé d’une quarantaine d’années avait été arrêté fin mars 2014 à Lisbonne. Interpol avait émis, à la demande de Pékin, un mandat d’arrêt international à son encontre.

Accusé de fraude et de divers actes de banditisme, M. Xang avait été condamné à dix ans de prison par la justice chinoise. Or mardi, la justice portugaise a refusé de l’extrader, justifiant que les crimes dont il était accusé étaient sans équivalent dans la loi portugaise.

Cette décision va nourrir les soupçons sur ces autorisations de résidence à but d’investissement (ARI), accusées de blanchir de l’argent sale. Ces autorisations, que l’on appelle aussi « visas dorés », accordent six ans de résidence sur le sol portugais – et par là même libre accès au marché des 26 pays de l’espace Schengen – à des étrangers non ressortissants de l’Union européenne, à condition qu’ils achètent un bien immobilier de 500 000 € minimum, ou montent une affaire créatrice d’emplois pour un million d’euros. M. Xang avait acheté une très belle demeure à Cascais sur la Rivieira portugaise, dont le montant n’a pas été communiqué.

SUR 850 « VISAS DORÉS », 732 ONT ÉTÉ ACCORDÉS À DES CHINOIS

Il n’est pas le seul à avoir ainsi investi. Depuis le lancement de ces visas d’exception en octobre 2012, le Portugal en a délivré 850, dont 732 à des Chinois. Entre janvier et mai 2014, ils en ont obtenu 400 plus 1 190 autorisations de séjour aux membres de leur famille. Les autres détenteurs du précieux laisser-passer sont russes, brésiliens et angolais.

L’investissement total effectué s’élève à 581 millions d’euros. Un montant qualifié de « très encourageant » par le vice-premier ministre Paulo Portas, qui considère que « le Portugal est à nouveau dans le GPS des investisseurs ».

Les effets sont très clairs sur le marché immobilier. Dans un contexte de marasme provoqué par la crise depuis 2009, le marché des villas ou appartements haut de gamme explose, en partie à cause de ces désormais fameux « visas dorés ». Dans les deux quartiers les plus recherchés à Lisbonne, notamment par les Chinois, la baixa (centre historique) et le Parc des nations (ultramoderne), le prix du mètre carré a doublé, passant de 3 300 € en 2012 à 6 800 € aujourd’hui. De quoi laisser entrevoir de belles transactions, alors qu’on estime que 400 000 Chinois disposent d’un revenu annuel d’au moins 1 million de dollars.

SOUPÇONS DE BLANCHIMENT D’ARGENT

Pour autant, les professionnels du secteur s’inquiètent des soupçons de blanchiment d’argent. Tout comme le Service des étrangers et des frontières (SEF), qui n’a pas la main mise sur ce qui se fait en amont, côté chinois, et ne peut donc pas anticiper l’apparition de cas suspicieux.

Selon des sources portugaises, au moins un autre dossier litigieux figure parmi les onze visas dorés bloqués par les autorités portugaises. Il s’agirait d’un ressortissant chinois probablement lié aux « Triades », la mafia chinoise. La police judiciaire refuse de donner des détails sur ces cas problématiques, se contentant d’affirmer que les critères d’attribution n’étaient pas remplis.

En attendant, il n’est pas sûr que l’opération « visas dorés » soit si rentable pour le Portugal : pas un seul d’entre eux n’a été attribué contre la création d’emplois et d’entreprise. L’intérêt des « investisseurs » est autre, et le pays prend le risque de voir arriver sur son territoire des « hommes d’affaires » dont il se passerait bien.

19/6/2014, Marie-Line Darcy

Source : La Croix

 

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